De la perception à l’inégalité sociale : la construction de l’altérité.

La concentration agraire au Brésil est représentative de l’inégalité qui marque le pays, voire plus largement l’Amérique latine. Marginalisés économiquement par une structure agraire latifundiaire, les travailleurs ruraux brésiliens sont aussi touchés par une inégalité symbolique. Celle-ci, issue des relations de travail dans lesquels ils sont engagés affecte directement leur propre subjectivité, et la perception qu’ils se font d’eux-mêmes...

... Dès lors, il est intéressant de s’interroger sur les liens qui peuvent être établis entre ces différents types d’inégalités. Quel(s) rôle(s) jouent les perceptions des sujets dans l’acceptation, la légitimation ou la remise en cause d’inégalités sociales effectives malgré une égalité juridique ? En effet, si les travailleurs ruraux sont des citoyens brésiliens à part entière, les autorités gouvernementales peinent à développer des actions en leur faveur, à l’instar de la réalisation de la réforme agraire par exemple. Face à cette situation, le Mouvement des Sans-Terre lutte pour changer la manière dont les acteurs de la réforme agraire sont perçus et se perçoivent, et cherche ainsi par la même occasion à faire de la réforme agraire un problème relevant de l’intérêt social et national. Dans ce contexte, le domaine de la perception se montre particulièrement pertinent comme outil d’analyse pour comprendre les liens qui se tissent entre inégalités symboliques et matérielles.

 

Mots clés : Mouvements des Sans-Terre ; Inégalité symbolique ; Sensible ; Travailleurs Ruraux ; Sujet.

 

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Alexis Martig

Doctorant en Anthropologie

Université Lumière Lyon2

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De la perception à l’inégalité sociale :
la construction de l’altérité.

 

Introduction

          L’Amérique latine est considérée comme l’une des régions les plus inégalitaires au monde. Parmi les pays qui la composent, le Brésil ne fait pas figure d’exception puisque les 10 % les plus riches de la population réalisent 48 % des revenus annuels, et les 20% les plus pauvres n’en partagent que 2 %. Les   conditions de vies de ces derniers sont donc particulièrement précaires, et se caractérisent par des difficultés d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé, à la culture, à l’eau, aux transports souvent accompagnées de discriminations raciales et/ou de genre...

Parmi ces types d’inégalités, il est possible de distinguer des différences de nature symbolique, économique, politique, sociale, environnementale. Au Brésil, comme dans beaucoup d’autres sociétés démocratiques, l’égalité juridique en termes de citoyenneté, n’est pas synonyme d’égalité effective en termes d’accès à l’emploi, à l’éducation, à un salaire légal. Ces inégalités peuvent être qualifiées de symboliques car elles s’expliquent par la perception des personnes concernées comme inférieurs, comme des autres au sein de la société. Dès lors, vouloir comprendre les inégalités sociales vécues par une population marginalisée revient à s’interroger sur les rôles des perceptions des sujets dans l’acceptation, ou dans la légitimation sociale d’une inégalité au sein même d’une société démocratique. Jusqu’où, et dans quelles mesures ces perceptions participent-elles aux inégalités sociales ? Comment sont-elles historiquement construites, reproduites et actualisées dans la société, et à travers les sujets ? Comment la perception peut-elle entraîner, ou non, une inégalité ? À l’inverse il faut aussi s’interroger sur les manières dont les expériences vécues d’inégalités sociales influencent les perceptions des sujets eux-mêmes ?… Autrement dit, quel est le caractère performatif de la perception de l’inégalité et de l’inégalité elle-même.

Nous tenterons dans cet article de répondre à la question des liens entre les perceptions et les inégalités sociales à partir du cas des travailleurs ruraux brésiliens. Pour cela nous chercherons à comprendre comment leurs relations de travail influencent directement la perception qu’ils se font d’eux-mêmes et comment les images véhiculées par les médias participent activement à rendre illégitime la Réforme Agraire au Brésil. Enfin, nous aborderons les stratégies de lutte adoptées par le Mouvement des travailleurs ruraux Sans-Terre du Brésil(MST) face à cette marginalisation symbolique.

 

I. Perception(s) et inégalités sociales : du sensible au social…

          Dans sa Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty décrit la perception comme une ouverture au monde, une insertion dans un monde, naturel et historique, une sorte d’initiation à l’être. Adopter la perception comme catégorie d’analyse revient donc à appréhender les façons dont les sujets perçoivent une réalité. Or, laperception et la compréhension du réel par le sujet se construisent à partir des sensations de celui-ci. Ce qui n’est pas sans soulever des difficultés quant à la nature de l’analyse à adopter ainsi qu’à la manière de lier une analyse de la perception à une analyse du social et du politique. Comment donc, lier une analyse relative à des sensations, à une analyse des conditions de vie matérielles des sujets ?

L’étude des perceptions des sujets de l’égalité, ou de l’inégalité doit se baser sur l’étude des rapports de pouvoir au sein des relations sociales et se poser les questions suivantes : Comment se perçoivent les sujets et comment sont-ils perçus dans des relations sociales de pouvoir ? Quels types de relations  sont en jeu ? Comment ces perceptions sont-elles socialement et culturellement construites ? Être perçu, ou se percevoir avec mépris, comme inférieur, comme supérieur, comme un objet, comme un animal, se sentir humilié, avoir honte, se voir nier sa dignité. Autant de perceptions établies par les relations de pouvoir liées aux inégalités symboliques et que la littérature philosophique sociale appelle des expériences négatives de reconnaissance. La nature du vocabulaire est clairement liée au domaine des sensations puisqu’il est question de re(sentiments), d’affects. Dès lors, réaliser une analyse anthropologique des manières de percevoir les inégalités, c’est réaliser une anthropologie du sensible c’est-à-dire qui étudie « la vie des sensations : les relations que nous entretenons avec les trois familles de sons (la voix, les bruits et la musique qui est du son organisé), avec les odeurs, les goûts, les perceptions visuelles et tactiles » (Laplantine, 2005). Plus précisément, c’est réaliser une anthropologie des manières dont se construisent les sentiments d’infériorité et de supériorité des sujets les uns envers les autres à partir de leurs perceptions. Afin de mener à bien une telle entreprise, François Laplantine propose d’adopter une anthropologie dite modale qui se concentre sur la temporalité et principalement sur les moments d’interactions entre les sujets pour saisir comment ils s’affectent mutuellement autour de l’intensité des échanges produits. Le sujet dont la conception semble pertinente pour saisir comment les perceptions des sujets se construisent et se négocient dans les interactions est celle énoncée, entre autres, par Bakhtine. Pour l’auteur russe, le sujet se définit par un perpétuel inaccomplissement, et la perception de soi de celui-ci se fait nécessairement à travers l’autre. Ainsi, c’est à partir de l’intersubjectivité issue des relations sociales que se construisent et se négocient les perceptions que les sujets ont les uns des autres (Todorov, 1981). La perception du sujet par lui-même, autrement dit la perception qu’il se fait de lui-même par rapport au monde et aux autres se construit continuellement de manière processuelle à partir des interactions sociales de ce dernier.

Cependant, les perceptions des sujets et des normes qui hiérarchisent leur place dans les relations sociales ne peuvent être comprises sans être replacées dans leurs contextes spécifiques. Les références du contexte socio-culturel ont un rôle considérable dans la reproduction de ces normes, leur négociation, leur acceptation, leur légitimation ou leur remise en cause. Les perceptions des sujets sont socialement, historiquement et culturellement construites. Ces perceptions sociales qui servent à définir des échelles de valeur dans un système normatif sont aussi construites et partagées de manières discursives au sein de la culture. Production littéraire, musique, artisanat, cinéma, médias, discours politiques sont ainsi à la fois des expressions des normes partagées par les membres d’une société mais aussi des réactualisations de celles-ci. Réussir à montrer comment les perceptions sociales sont construites et liées au social et au politique dans la légitimation, l’acceptation d’inégalités sociales ou leur négociation permet dès lors de construire une analyse qui assure un lien entre le domaine du sensible et le domaine matériel des inégalités vécues par une même population. Quels liens peut-on ainsi établir entre les discriminations symboliques et les discriminations économiques ?

Malgré le fait que la philosophie sociale est définie l’inégalité symbolique comme une expérience négative de reconnaissance, les analyses philosophiques, sociologiques et anthropologiques des inégalités sociales portent jusqu’à aujourd’hui sur les dimensions économiques, politiques ou juridiques. La littérature produite sur la thématique de la reconnaissance est particulièrement révélatrice de l’absence de prise en compte du domaine du sensible dans ces études. En effet, si celles-ci admettent que les inégalités symboliques, c’est-à-dire le déni de reconnaissance, se construisent dans le domaine des affects, ce dernier est généralement isolé ou mis de côté au sein des analyses. Il semblerait donc que l’on assiste à une rationalisation de la réflexion qui n’est pas sans soulever des questions quant à la pertinence des interprétations. La philosophie sociale par exemple, avec des auteurs comme Axel Honneth ou Emmanuel Renault, pense la reconnaissance des individus dans la société comme se construisant à partir de différents domaines (Honneth, 2000 ; Renault, 2004). Le premier d’entre eux, reprenant les grandes lignes de la Phénoménologie de l’Esprit d’Hegel, établit trois modèles de reconnaissances : l’amour qui s’inscrit dans le domaine de l’affectivité avec des sentiments comme la solidarité ou l’amitié ; le juridique qui concerne les questions de droits et des rapports contractuels ; et enfin, l’Etat comme modèle de reconnaissance en termes de recherche d’un lien communautaire.

Dans cette pensée, la portée d’une réflexion sur le sensible serait exclusive aux relations des hommes et des femmes engagés affectivement sous la forme de l’amour, de la sexualité, de l’érotisme, de l’amitié ou du respect mutuel. Les questions relatives à la reconnaissance juridique des sujets ou à une égalité politique relèveraient donc d’un autre domaine. Ainsi, les sentiments comme le mépris, l’humiliation, la négation de la dignité clairement inscrits dans le domaine du sensible ne sont pensables que distingués des inégalités économiques, politiques, environnementales. Dans les travaux récents publiés en sciences humaines autour de la question de la reconnaissance, on retrouve cette discontinuité1. En effet, la thématique est principalement interrogée non pas à partir des ressentis et des affects des sujets, ni des manières dont ils se perçoivent et sont perçus dans la société, mais bien en termes d’égalité statutaire, d’accès à l’emploi, aux biens de consommations…

Face à cette rationalisation de la réflexion, Nancy Fraser réintroduit de la continuité dans le débat avec sa théorie de la justice sociale. Pour l’auteure, la justice sociale s’articule autour de deux dimensions interdépendantes : l’économie et le symbolique. Celles-ci, distinguées mais indéniablement liées, correspondent respectivement à la redistribution des richesses et à la reconnaissance. L’intérêt de la pensée de Nancy Fraser est de nous permettre d’envisager les liens directs entre les questions inhérentes au sensible et à la richesse. En effet, la question de la reconnaissance est, tout comme chez Honneth, construite sur une expérience de mépris, de déni de dignité, d’humiliation qui se comprend aussi à travers l’inégalité de distribution des biens (Fraser, 2000).

À partir d’une telle approche, il est possible de construire une analyse anthropologique pensant le sujet comme se construisant à partir de ressentis issus de situations liées à son accès, ou non, à certaines richesses. Ainsi, les expériences répétées de discrimination symbolique influencent la définition de soi et la perception du sujet dans ses relations sociales : sentiments d’injustices, frustrations, honte, humiliation...

 

II. Des perceptions des travailleurs ruraux au Brésil

          La réalité agraire au Brésil est particulièrement complexe et présente des relations de travail très diversifiées selon le type d’activité et la région. Il existe cependant une constante dans cette diversité : la coexistence d’un grand nombre de personnes qui vivent et travaillent sur des terres louées ou de petits propriétaires qui complètent leurs salaires en travaillant pour des grands propriétaires, avec un petit nombre de grands et moyens propriétaires terriens. D’autres relations de travail comme le métayage et l’esclavage existent aussi encore aujourd’hui. D’où l’usage préférentiel pour parler de cette population du terme de travailleurs ruraux plutôt que de paysans. En effet, le terme de paysan est généralement utilisé pour désigner les habitants de la campagne qui se consacrent à l’activité agricole pour subvenir à leurs besoins alimentaires. La précarité des conditions de vie de ces personnes dépendant économiquement des grands propriétaires s’expliquent par la structure agraire latifundiaire établie par les portugais, articulée au recours à la main d’œuvre esclave les marginalisant économiquement.

Face à des conditions de vie précaires – difficultés d’accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation… – et à leur exploitation économique par les grands propriétaires terriens, le Mouvement social des travailleurs ruraux Sans Terre du Brésil cherche à organiser et à mobiliser les travailleurs ruraux afin de revendiquer auprès du gouvernement fédéral une réforme agraire et une justice sociale. Parmi les très nombreux syndicats, associations et autres organisations mobilisées par et pour les travailleurs ruraux, le MST se détache comme l’un des principaux acteurs de la scène politique brésilienne en ce qui concerne la question agraire. Avant d’étudier les actions du mouvement social, il est nécessaire d’expliciter la situation des travailleurs ruraux brésiliens.

A. Perception et subjectivité : de la construction de l’inégalité symbolique dans les relations de travail…

          Pour mieux saisir les manières dont les relations de travail des travailleurs ruraux ont influencé la construction de leur subjectivité, et la perception qu’ils se font d’eux-mêmes, il est nécessaire d’étudier le contexte socio-historique de formation du Brésil, et de donner à voir quelles réalités recouvrent les expériences de ceux que l’on nomme les travailleurs ruraux. L’exploitation coloniale mercantile a formé une population d’hommes libres et expropriés laissés en marge de la production brésilienne. La structure agraire latifundiaire articulée au recours à la main d’œuvre esclave a à la fois expulsés les paysans des terres et les a exclus de l’économie. Malgré la décolonisation politique, la situation n’a pas changée car les élites locales administrant la structure agraire l’ont conservée en l’état. Cette marginalité, définie par une situation de dépendance économique totale face aux grands propriétaires terriens, a conduit les travailleurs ruraux à accepter des relations contractuelles avec ceux-ci, soit pour vivre sur leurs terres, ou travailler pour eux. Ces associations morales se sont révélées des relations subtiles d’assujettissement basé sur la domination personnelle : parrainage, métayage, clientélisme, paternalisme… Dans ces relations, l’intégration à la vie sociale se fait moyennant les attributs spécifiques de leur humanité : la conscience morale et la faculté de raison (Carvalho Franco, 1969). Si l’humanité du travailleur rural est reconnue pour s’associer à lui, le résultat de cette association réside dans sa négation. En effet, les parrains, patrons ou maîtres se comportent « comme si » le travailleur rural était un objet (une machine de travail), un enfant (relation paternaliste) ou un sous-homme… C’est ce que le philosophe israélien Avishai Margalit qualifie de paradoxe de l’humiliation, celle-ci résidant dans la contrainte d’adopter un statut social « plus humble ». Pour lui, il ne s’agit pas d’une opinion mais d’un comportement puisque le dominant, le maître, le parrain, le patron est conscient qu’il s’adresse à un être humain pour faire un pacte avec lui. Une fois le contrat réalisé, il se comporte comme si celui-ci n’était qu’un objet, ou un enfant le plaçant dans une position de soumission (Margalit, 2007). Des comportements qui correspondent aussi à ce que Nancy Fraser qualifie de déni de reconnaissance en évoquant le mépris, ou l’humiliation.

À l’inverse de l’esclavage qui est imposé, la subtilité de ce système de domination réside dans le fait que le travailleur est acteur du contrat à la base de cette relation. Ceci le conduit à intérioriser ce statut, et à l’accepter comme une réalité inéluctable donnant ainsi naissance à des sentiments d’infériorités se traduisant par de la honte ou un manque d’estime de soi. Le résultat de cette intériorisation forme alors ce qu’Ashis Nandy qualifie, dans L’Ennemi intime, de « disposition de l’esprit »qui amène les dominés à intérioriser les stéréotypes du discours dominant, et conduit ainsi le sujet à se percevoir dans les limites qu’on lui impose donnant naissance chez les sujets dominés à un « moi déshumanisé » (Nandy, 1984).

Les comportements inhérents aux relations de travail participent donc à la construction de la subjectivité des travailleurs ruraux en leur renvoyant une image d’infériorité de la part de leurs « patrons ». L’intériorisation de cette infériorité résulte en la perception de soi de la part des sujets. L’inégalité symbolique de cette relation se construit en grande partie dans les interactions, dans la perception et le domaine du sensible. L’acceptation de cette situation comme une réalité inéluctable amène les travailleurs ruraux à considérer l’action du patron comme normale. Cependant, le sujet n’est pas passif et sans réagir à de telles relations. Généralement la réaction s’exprime, de manière différenciée en fonction des sujets et des contextes, à travers des sentiments de souffrance, de frustration, d’injustice ou encore de rébellion. Pour autant, cette acceptation ne peut être comprise sans considérer le contexte économique. Aujourd’hui encore on retrouve ces dispositions d’esprit dans les discours de travailleurs ruraux. En 2006, dans le cadre d’un projet de l’association de solidarité internationale française Macunaïma, nous avons réalisé un film avec des assentados de l’assentamento de Bela Vista, situé dans la Zona da Mata Sul du Pernambouc. Celui-ci, Pour une poignée de terre, vise à donner la parole à des travailleurs ruraux du Nordeste brésilien devenus propriétaires par la Réforme Agraire depuis quelques années afin qu’ils décrivent eux-mêmes leur situation. Les surfaces de leurs propriétés étant assez réduites, certains continuent à couper de la canne à sucre pour les grands propriétaires terriens. Voici l’extrait d’un entretien avec un assentado au sujet du salaire de la coupe : « …le salaire aujourd’hui aux champs est 12 réais. Par jour. Pour gagner un salaire il faut couper… quatre tonnes de canne à sucre. Et quand vous les pesez, il y en a huit ou dix. Donc, il reste la moitié pour le propriétaire terrien ». Cet extrait illustre la disposition d’esprit évoquée précédemment. À aucun moment du discours n’est questionné le fait que le propriétaire terrien vole. L’entretien offre la possibilité de se plaindre et de réagir de manière indirecte, sans pour autant se compromettre auprès de l’employeur. Il s’agit donc d’une réclamation face à l’injustice de cette situation sans cependant remettre en cause les limites qui sont imposées et déterminent la place de chacun.

En résumé, les comportements inhérents aux relations de travail des travailleurs ruraux influencent directement la construction de leur subjectivité, et leur perception du réel dans leurs relations aux autres en termes de hiérarchie dans laquelle leur place est clairement définie comme inférieure et comme une réalité incontournable.

 

B. Images du travailleur rural dans la culture brésilienne

          Pour compléter l’analyse, il est nécessaire de se pencher sur les façons dont les travailleurs ruraux sont représentés et perçus dans le contexte socio-culturel brésilien. Sont-ils décrits comme inférieurs en écho à leur réalité ? Si oui, quelles sont les conséquences d’une telle description sur l’opinion publique ? Afin d’essayer de répondre à ces questions nous étudierons les images du travailleur rural véhiculées dans les productions culturelles brésiliennes, ainsi que les images inhérentes aux discours des médias.

« Mais est-ce qu’on ne voyait donc pas qu’il était une créature de chair et sang ? Il était obligé de travailler pour les autres, bien sûr, son rang il le connaissait. D’accord. C’est son destin, il était né comme ça, personne n’y pouvait rien. Qu’y faire ? On ne change pas le destin. Si on lui avait dit qu’il était possible de vivre mieux, il aurait été très surpris. Il était venu au monde pour dompter les bêtes sauvages, soigner les plaies avec des invocations et réparer des clôtures hiver comme été. C’était son lot. Son père avait vécu comme ça, son grand-père aussi. Et avant eux, la famille n’existe pas. Couper des tiges de mandacaru, graisser des lanières de cuir – Il avait ça dans le sang. Il trouvait ça naturel et ne demandait pas autre chose. Tout ce qu’il voulait, c’est qu’on lui donne son dû. On ne lui donnait pas. Pauvre malheureux, on le traitait comme un chien, on ne lui jetait que des os. Et ces os, voilà que les gens riches voulaient lui en prendre ? Pour quoi faire ? Même que c’était dégoûtant de voir les gens importants s’intéresser à des cochonneries comme ça.» (Ramos, 1938 : 97)

Des expériences et des rencontres de son enfance passée dans une fazenda à Buique dans le Pernambouc, l’écrivain Graciliano Ramos a construit les personnages de ses futurs romans. Parmi ceux-ci, Sécheresse est particulièrement illustratif de la dureté des conditions de vie des travailleurs ruraux, accentuées dans cette partie aride voire désertique du pays que l’on nomme le sertao. Le roman retrace une partie de la vie du gardien de bétail Fabiano, et de sa famille. Le tour de force de l’écrivain dans ce livre est d’amener le lecteur à ressentir le vécu du travailleur rural. Ainsi, à plusieurs moments de la narration, l’œuvre donne à voir un sentiment d’infériorité propre au travailleur rural. Ce sentiment naît de l’acception des limites qu’on lui a imposées dans ses relations sociales. Ceci l’amène, tout en se rebellant, à penser la situation comme un destin incontournable. La citation ci-dessus est particulièrement explicite à ce sujet montrant à quel point la situation est vécue naturellement, mais aussi comment le fait d’améliorer la situation n’est pas pensé comme de l’ordre du possible. Et Graciliano Ramos va encore plus loin, car il va jusqu’à comparer Fabiano à un chien. Cette comparaison a pour but de montrer combien les comportements des personnes avec qui il avait des relations de travail agissaient comme s’il ne s’agissait pas d’ « une créature de chair et de sang », niaient son humanité. En nous faisant accompagner les rencontres de Fabiano, l’auteur nous fait ressentir à plusieurs reprises la terrible sensation de frustration de son personnage issue de l’incapacité à se rebeller contre ceux qui se moquent et abusent de lui. Et Graciliano Ramos d’ajouter « comparé aux hommes de la ville, Fabiano se reconnaissait inférieur » (1938 : 76). La frustration du personnage principal est nourrie de l’incapacité à affronter les protagonistes qui l’humilient ou le rabaissent alors qu’il sait qu’on se moque de lui ou qu’on le vole.

L’exemple du livre de Graciliano Ramos est important pour notre réflexion à deux niveaux. Il permet de comprendre comment se construisent et se négocient les normes hiérarchiques en termes de perceptions dans la construction des sujets. C’est dans les interactions qui résultent des relations de travail avec le patron et d’autres représentants d’autorités – le soldat ou le représentant de la mairie – ou marchands qui abusent de Fabiano, que les normes de hiérarchie se construisent en tant que perception et s’intériorisent dans le domaine du sensible au travers de (re)sentiments : mépris, honte, humiliation, (déni de la) dignité, (déni de l’)estime de soi… De plus, cette description de la population rurale d’hommes libres et pauvres comme mode de vie spécifique est importante à relever en ce qu’elle est constitutive d’un discours qui tend à définir les membres de cette population, et énoncer ainsi leurs relations sociales, voire leur place dans la société. Une image du travailleur rural est ainsi construite donnant à voir les difficultés des conditions de vie dans lesquelles il évolue mais aussi le rang - pour reprendre les propres termes de Graciliano Ramos – qui est le sien. Cela mérite d’être porté à notre attention car l’exemple de Graciliano Ramos est loin d’être une œuvre isolée. La culture brésilienne, à travers la littérature, le cinéma, la télévision, ou encore la musique et l’artisanat a beaucoup produit et continue de produire à ce sujet, à travers la figure du sertanejo2par exemple. En tant que mode d’énonciation, érudit ou non, ces références participent de la construction d’une image du travailleur rural caractérisée par des conditions de vie précaires, mais aussi par une situation hiérarchique précise en termes de relations sociales. Ces propres images influençant ainsi le rapport des sujets entre eux. À travers les images véhiculées dans les productions culturelles et les images de celles-ci, les normes relatives aux relations hiérarchiques sont reproduites et actualisées.

Acteurs clefs s’il en est dans la production de discours sur les travailleurs ruraux et leurs luttes politiques, les médias brésiliens participent activement de la construction de ces derniers comme d’une population distincte, et inférieure. Leur impact est d’autant plus important que dans une société majoritairement urbaine, la connaissance de la réalité rurale dépend souvent complètement de leurs discours. Or, les images qu’ils véhiculent au sujet les actions réalisées par les travailleurs ruraux d’une manière générale, et plus particulièrement celles du MST, sont révélatrices d’un parti pris qui participe à la construction aux yeux de l’opinion publique d’un « Autre ». Travaillant à partir d’extraits comme celui qui suit, Bruno Konder Comparato a réalisé une étude méticuleuse de la façon dont les journaux présentent la réforme agraire3.

« Il léchait ses blessures du combat antérieur, quand les Sans-Terre avaient décidé de manifester pendant les commémorations officielles de la découverte du Brésil, à Porto Seguro, et d’envahir 500 fazendas pour l’occasion.(…) Avant tout les invasions d’édifices publics doivent être évitées à tout prix, mais une fois accomplie la violence criminelle, l’évacuation doit être immédiate et manu militari, quel qu’en soit le prix… » (Konder Comparato, : 108)

La rhétorique des discours de la majorité des journaux brésiliens a tendance à présenter les travailleurs ruraux en utilisant l’expression « les Sans-Terre », ce qui a pour conséquence d’essentialiser une condition de vie en une nature. Au lieu de présenter les personnes de tels assentamentos ou telle région les médias les présente comme les Sans-Terre. Le propre MST a aussi recours à cette rhétorique, mais pour présenter une nature d’une qualité bien différente que celle construite par les journaux. En effet, le vocabulaire utilisé par les journaux vise à criminaliser le mouvement et à qualifier ceux que l’on appelle les Sans-Terre comme proches d’un état de violence irréfléchie, pour ne pas dire sauvages. Les usages récurrents des termes d’invasions (barbares) et d’envahisseurs sont symptomatiques d’une construction des travailleurs ruraux comme des autres. Ce sont des autres, et l’action d’envahir vient nous rappeler leur extériorité  première, c’est-à-dire qu’ils se trouvent de l’autre côté la frontière qui sépare le Eux du Nous. L’image véhiculée dans les discours des médias brésiliens participe donc fortement à la construction de la perception sociale des travailleurs ruraux par la population urbaine comme des autres au sein d’un Nous national. Or, mais nous y reviendrons plus tard, cette création d’altérité n’est pas sans s’accompagner d’une hiérarchisation supposant l’infériorité de l’autre.

Dans les médias télévisuels, on ne peut que constater la rareté, pour ne pas dire l’inexistence, de reportages sur les apports positifs de la Réforme Agraire. Il existe pourtant des études qui révèlent que, d’une manière générale, les assentamentos ont tendance à stimuler les dynamiques locales sur les plans économiques. Cependant, les choix des chaînes de télévisions brésiliennes portent plus facilement sur des événements mettant en scène des actes de violences tels que des heurts avec la police, ou des milices armées au service de grands propriétaires terriens. Les événements récents qui ont entraîné les morts de quatre hommes de main d’une fazenda occupée par des travailleurs ruraux dans l’état du Pernambouc l’ont encore démontré. Alors que le Forum Social Mondial, qui vient de se dérouler à Belém dans le nord du Brésil, a été très peu retransmis, les actes de violence liés à la question agraire sont exhibés de manière quasi-systématique dans les journaux télévisuels régionaux et nationaux de la chaîne de télévision TV Globo. Or, ces reportages ne questionnent pas les événements en soi, mais posent la question de la légalité du MST et de l’usage des subventions publiques qu’il reçoit. L’impact de ces médias sur l’opinion publique est impressionnant. Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer lors de discussions avec des voisins, des universitaires ou dans des conversations improvisées, une hostilité vis-à-vis du MST et des travailleurs ruraux qui en font partie. Cette perception du mouvement social et de ses militants se traduit par des expressions du type: « ce sont des voleurs » ; « ils envahissent des terres uniquement pour les revendre » ; « on devrait les mettre en prison » ; « ce sont des marginaux » ou des questions comme « ce n’est pas dangereux d’aller comme ça dans des assentamentos? Tu n’as pas peur ? ». Cependant, si l’on demande à ces mêmes personnes si elles sont déjà allées dans des assentamentos, ou ont déjà rencontré des Sans-Terre, la réponse est toujours négative. La connaissance des travailleurs ruraux et du MST qu’ont ces personnes se révèle basée sur les discours des médias télévisuels et journalistiques. Pourtant, la conviction des propos avancés montre à quel point cette connaissance est considérée comme réelle. Ces images des travailleurs ruraux, principalement assimilés aujourd’hui au MST, font écho à d’autres images déjà présentes dans la culture brésilienne. Bruno Konder Comparato avance ainsi que parmi les journaux, « ne sont pas rares ceux pour qui la meilleure description des Sans-Terre est encore celle d’Euclides da Cunha, dans Os Sertoes, à la fin du XIXème siècle. » (2004 : 172).

Il s’agit en fait d’une construction d’altérité qui s’appuie sur les normes inhérentes aux images déjà existantes et les réactualise, ce qui a pour effet d’accentuer la différence entre la population pauvre rurale et la population urbaine, en l’inscrivant aussi dans le temps. La conséquence est une présentation du MST comme archaïque, et de la Réforme Agraire en opposition à une modernisation du pays.

 

C. Perceptions et lutte sociale

          Les moyens de lutte utilisés par le mouvement des Sans-Terre se sont considérablement diversifiés au cours des années. Initialement concentrées sur les occupations de terre, ses activités touchent aujourd’hui des domaines aussi variés que les formes artistiques, l’édition de journaux et revues, de conférences, de partenariat internationaux, de marches nationales, de manifestations, de séminaires de réflexion… L’appui de l’opinion publique est capital pour la lutte du MST. C’est pourquoi, face aux discours développés par les médias, il a développé ce que Nancy Fraser appelle des contre-publics subalternes (Fraser, 2000). Ainsi, le mouvement social crée des arènes discursives afin d’élaborer et de diffuser des contre-discours qui engagent une relation de contestation avec les discours dominants. Concrètement, il s’agit d’ouvrir un champ de conflit et de contestation politique par le biais de journaux, de librairies, de maisons d’éditions, de réseaux de distribution de films et de vidéos, de séries de conférences, de centre de recherches, de programmes universitaires, de congrès, de conventions, de festivals…Le MST réalise clairement ce genre d’actions puisqu’il a créé un journal et une revue propre – Jornal Sem Terra, Revista Sem Terra –, et travaille étroitement avec la maison d’édition Expressao Popular. Il est aussi impliqué dans des programmes universitaires comme les cours de Realidade Brasileira réalisés à l’université fédérale du Pernambouc et participe activement aux organisations des forums sociaux brésiliens ou mondiaux.

Dans ces contre-discours l’accent est mis sur la proximité avec les travailleurs ruraux, et sur les liens de la Réforme Agraire avec le reste de la société. D’une façon générale, il s’agit de montrer que la Réforme Agraire est un problème d’intérêt social national, et que les travailleurs ruraux font partie au même titre que les autres citoyens de la nation brésilienne. On retrouve ces idées dans l’image du travailleur rural Sans-Terre véhiculée dans la mémoire et l’histoire revendiquées dans ces discours. En effet, la lutte du MST est fréquemment présentée comme héritière de différentes luttes et de leaders ayant marquées l’histoire nationale : des luttes indiennes contre les colons portugais aux luttes d’esclaves marrons, en passant par les mouvements messianico-religieux ou du Cangaço5 et des leaders environnementaux tels que Chico Mendes. Autant de façons d’inscrire les travailleurs ruraux comme membres à part entière de la nation brésilienne, c’est-à-dire faisant partie du Nous national. Si la portée de ces contre-discours reste à mesurer pour pouvoir construire des interprétations plus précises, il semble néanmoins bien que ce qui est en jeu dans toutes ces actions c’est la perception sociale des travailleurs ruraux par l’opinion publique.

Diversifiant ses actions avec l’évolution de sa lutte, le MST a aussi créé un Secteur de la Culture qui a pour but de développer les formes artistiques auprès des acampados6 et assentados7 afin de les sortir de l’aliénation culturelle. Parmi celles-ci, le théâtre est très présent avec aujourd’hui plus de trente troupes dans tout le pays. C’est le cas du groupe de théâtre Utopia formé par des acampados de la ville de Novo Horizonte do Sul, située dans le Mato Grosso do Sul. Au cours d’une marche de trente trois jours et trois cent vingt kilomètres menant de l’acampamento8 jusqu’à la capitale de l’état, Campo Grande, Utopia a réalisé deux pièces de théâtre et lu des poésies dans toutes les écoles situées sur son trajet. Autre groupe de théâtre, Filhos da Mae…Terra a été formé en 2002 par des jeunes membres de l’assentamento9 Carlos Lamarca, situé à Sarapui dans l’état de Sao Paulo. En décembre 2005, la troupe s’est présentée dans le célèbre Théâtre Arena de la ville de Sao Paulo. L’endroit est symbolique puisqu’il s’agit d’une référence nationale de l’union entre art et politique impliqué dans la transformation sociale. Un an plus tard, en décembre 2006, Filhos da Mae…Terra remonte sur les planches à Sao Paulo, dans le cadre d’un partenariat avec l’un des plus importants groupes théâtraux brésiliens : Companhia do Latao. Il s’agit d’un groupe de recherche fondé en 1997 qui développe une réflexion critique sur la société actuelle.

Que ce soit avec la Companhia do Latao, ou avec le centre du théâtre de l’opprimé à l’origine de la formation du secteur de la culture, les groupes de théâtre liés au MST cherchent à travailler avec des formes esthétiques de représentations critiques. Ainsi, s’inspirant du théâtre de l’opprimé, le MST développe des pièces où se mêlent analyse et transformation des situations d'oppression, de malaise, de conflit. A travers ces actions qui amènent les travailleurs ruraux à travailler avec des formes artistiques critiques, le MST leur offre des opportunités de se (re)présenter aux membres de la société brésilienne. Ces événements sont ainsi des espaces-temps au cours desquels ces comédiens peuvent négocier leur perception au sein de la société, ainsi que leur propre perception d’eux-mêmes. Ils ont la possibilité d’établir des relations sociales dans lesquelles ils sont acteurs et ainsi redéfinir leur propre subjectivité en transformant leur perception. La multiplication de ce type d’événements permet d’entraîner un processus de reconnaissance pouvant donner lieu à des sentiments d’estime de soi, de dignité, d’honneur entraînant ce qu’Ashis Nandy appelle une reconquête du soi, c’est-à-dire une transformation de la perception du sujet comme inférieur par lui-même. La perception, au niveau social des images véhiculées, comme au niveau des sujets dans les relations qui définissent le rang de chacun, est donc un enjeu capital dans la lutte du MST pour une justice sociale au Brésil.

 

Ouverture…

Au regard de l’étude de la situation des travailleurs ruraux brésiliens, il apparaît comme évident qu’une analyse des inégalités sociales ne peut faire l’économie d’une étude du domaine du sensible et de la perception. En effet, nous avons pu voir que l’inégalité se construit et se négocie en grande partie dans le domaine de la perception, au niveau des propres sujets eux-mêmes influencés par les références socio-culturelles. La perception joue donc un rôle important parmi les facteurs à l’origine des inégalités sociales, puisqu’elle permet de légitimer ou de faire accepter des inégalités sociales, tout comme elle se trouve être un des enjeux de la lutte du MST pour une justice sociale au Brésil.

Cependant, pour profiter pleinement de cette réflexion, il faut l’élargir en articulant inégalités symboliques et matérielles. Comme on a pu le voir avec l’exemple des journaux brésiliens, c’est la perception de la différence – mode de vie culturelle, couleur de peau, religion…– comme une nature, c’est-à-dire essentialisée qui permet de construire de l’altérité. Or, comme l’a montré Christine Delphy, la construction de l’altérité s’accompagne d’un classement en termes de valeur (Delphy, 2008). Dans le cas des travailleurs ruraux brésiliens, l’inégalité matérielle est directement liée à la discrimination symbolique basée sur la perception d’autres au sein du Nous national. Une analyse des perceptions au sein de la société brésilienne permet ainsi de mieux comprendre pourquoi sur le plan politique une société démocratique au sein de laquelle tous les membres sont égaux juridiquement comme citoyens, tous ne sont pas égaux dans les faits. La question qui se pose est donc celle du mode d’être politique et de la difficulté à faire des inégalités des autres une question d’intérêt social et national. En d’autres termes, en acceptant de penser ces limites de la démocratie, il devient possible de comprendre que les inégalités vécues par ceux qui sont perçus et construits comme des autres ne sont pas des problèmes d’ordre privé, mais bien des problèmes d’ordre public. C’est bien tout le problème des travailleurs ruraux au Brésil, et la lutte du MST : inscrire la Réforme Agraire, et l’amélioration des conditions de vie des travailleurs ruraux, à l’ordre des problèmes publics nationaux, plutôt que de les considérer comme une accumulation de problèmes personnels et localisés.

 

Notes de bas de page


1 Parmi les ouvrages récents cf. PAYET Jean-Paul, GIULANI Frédérique, LAFORGUE Denis, La voix des acteurs faibles. De l'indignité à la reconnaissance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008 ; PAYET Jean-Paul, BATTEGAY Alain, La reconnaissance à l’épreuve. Explorations socio-anthropologiques, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008 ; CAILLE Alain, CARDOSO DE OLIVEIRA Luis-Roberto, CHANIAL Philippe, La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total, Paris, La découverte, 2007.

2 Nombreuses sont les figurations des populations rurales dans la culture brésilienne. Sûrement la plus célèbre du Cinéma Novo, Glauber Rocha dans son film Deus e o diabo na terra do sol, s’est attaché à décrire les conditions du travailleur rural Manuel. Dans la musique, l’artisanat, mais aussi dans les tags on retrouve aussi les figures de l’univers rural à travers les personnages du sertanejo dans la partie aride du Nordeste, ou caipira plutôt dans le sud du pays.

3 Le travail de Bruno KONDER COMPARATO à partir des 4 journaux à plus grands tirages au Brésil : Folha de Sao Paulo, O Estado de Sao Paulo, Jornal do Brasil et O Globo.

5 Mouvement de bandits de grands chemins apparu dans le Nordeste du Brésil au milieu du 19ème siècle et au début du 20ème siècle. L’entrée dans ce mouvement était souvent liée à des conditions de vie précaires aggravées périodiquement par des sécheresses.

6 Habitants d’un campement revendiquant une terre en faveur de la réforme agraire.

7 Habitants d’une communauté de la réforme agraire, c’est-à-dire dont les terres ont été redistribuées.

8 Campement réalisé pour revendiquer une terre en faveur de la réforme agraire.

9 Communauté de la réforme agraire, après redistribution des terres.

 

Références bibliographiques

BHABHA, Homi K., O local da cultura, Belo Horizonte: UFMG, 2005.

CARVALHO FRANCO, Maria Sylvia (de), Homens livres na ordem escravocrata, Sao Paulo: Fundaçao Editora da Unesp, 1997[1969].

CORREIA DE ANDRADE, Manuel, Lutas camponesas no nordeste, São Paulo: Ática, 1986.

DELPHY, Christine, Classer, dominer. Qui sont les « autres » ?, Paris : La fabrique, 2008.

FRASER, Nancy, Qu’est ce que la justice sociale, reconnaissance et redistribution, Paris: Editions la Découverte 2005.

HONNETH, Axel, La lutte pour la reconnaissance, Paris : Editions du Cerf, 2000.

KONDER COMPARATO, Bruno, L’action politique des sans-terre au Brésil, Paris : L’Harmattan, 2004.

LAPLANTINE, François, Le social et le sensible, introduction à une anthropologie modale, Paris : Tétraèdre, 2005.

MARGALIT, Avishai, La société décente, Paris : Flammarion, 2007 [1996].

MERLEAU-PONTY, Maurice, Phénoménologie de la perception, Paris : Gallimard, 1992 [1945].

NANDY, Ashis, L’ennemi intime : perte de soi et retour à soi sous le colonialisme, Paris : Fayard, 2007 [1984].

RAMOS, Graciliano, Vidas secas, Rio de Janeiro: Record, 2008 [1938].

RENAULT, Emmanuel, L'expérience de l'injustice : reconnaissance et clinique de l'injustice, Paris : La découverte, 2004.

TZVETAN, Todorov, Mikhaïl Bakhtine, Le principe dialogique, Paris : Editions du seuil, 1981.

 

Pour citer cet article :

Martig Alexis, « De la perception à l’inégalité sociale : la construction de l’altérité. », RITA, N°2 : août 2009, (en ligne), Mis en ligne le 01 août 2009. Disponible en ligne http://www.revue-rita.com/content/view/50/1/