Importation, la vile américaine

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Sous-lieutenand'ès Pontif

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Un texte qui pose le problème, et surtout l’incarne dans sa forme même.

Y a-t-il vraiment importations des structures d’urbanisme, donc de domination qui régissent les Amériques ?
Ou sommes-nous, dans notre rapport à la ville et au lieu, en train comprendre, en nous pensant selon les Huèssa, que nous faisons partie du reste du monde. Étant entendu que nous le consommerons n’ayant eu le cœur de le jeter, moins encore la foi de cuisiner un peu de fraîcheur ?

Importation, la vile américaine

Cette grande famille que sont les villes. J’y fais figure de pet foireux, patchwork miteux au carrefour des influences d’âmes et rixes de bar… pensais-je, observant d’autres siroter sans questionner

Les cocktails trop sucrés et trop chers reprenaient une cuillerée à chaque traversée, Ce sont des copies au troisième degré : de ce que le premier s’imaginait du second puis le second de ce que le premier s’imaginait de lui, enfin de ce que le troisième en comprit.
Ami, toi qui voudrais voyager, je te le dis aussi bien que les rénovateurs d’extérieurs : Inutile, l’étranger vient à vous dans tout ce qu’il a de plus étonnant Vous serez surpris : ici même dépaysement garanti ! Ici même cette plage me vend quelque fantasme. Hutte hawaïenne qui s’inquiète, lorsque monte la marée, de voir ses transats emportés et ses parasols de chaume synthétique envolés aux moindres coups de vents.

C’est une ville américaine ratée, .Écrasée resserrée, Pas une merde tout juste une crotte riquiqui qui méprise qui ?
Au va-et-vient de l’océan répond celui de l’import-export pour redessiner la carte. Divisée en parcelles socio-économiques  un collage en damier que seule une diagonale interrompt. Quand bien même ce serait un Dreamland universel cela semble les miettes des Amériques.
L’entrée s’y fait progressive, l’herbe autour de la route se raréfie, on est salué par des morceaux de voitures assemblées en un Transformer, plus grand qu’en face : un moulage de la Statue de la Liberté, par des concessionnaires et des restaurants périurbains aux allures de hangars.

De grands axes figurent la Main street, et mènent au centre commercial. Au fur et à mesure que l’on s’approche, comme l’on s’éloigne de la station pavillonnaire, les bosquets de bâtiments se détendent et s’étendent pour ouvrir notre vue, sur un semblant de majesté, les panneaux publicitaires s’élargissent.

Où, de par la surexposition de l’affiche, je croyais qu’il regardait la mer. Mais dans le fond au-delà des corps, c’est une fumée romanesque, et si l’on tourne la tête vers la gauche : une fumée plus ordinaire d’usine portuaire. Il regardait donc la terre.
Ici, l’impression d’une Amérique de province, l’Amérique sans providence Et par endroits on dirait un corner de Baltimore : un peu de friches industrielles en briques rouges, et à mesure que l’on s’éloigne, les grands ensembles alignés (quelques blocks et nous serions sur la case blanche « habitats new-age ») où l’on joue cette farce de développement urbain, par à-coups, paris aux dés qui donnèrent cette idée : une tour jaunie/moisie et à son sommet galbé comme un gland, le restaurant panoramique. Un coup de tête mûrement réfléchi, pour y légitimer la farce qui prend au printemps l’allure mélancolique de cette collection de timbres/cailloux/canettes qu’on abandonne après la première pièce. Un gratte-ciel donc, seul et petit ridicule bien qu’il gagne le tournoi de la hauteur, bien qu’il s’orne d’un restaurant panoramique où J’entends « On espère, donc, que, vous savez : Dunkirk va nous apporter notre notoriété et que ce sera bon pour nos investisseurs en leur donnant envie d’investir dans notre région ». Ce n’était qu’une caricature grotesque du substrat névrotique de l’import, tant il fallait se persuader que l’on ressemblait à ses maîtres selon son propre désir. !Alors, allons-y ! Learning from Dunkirk, ou Les Règles d’un urbanisme abandonné sur la berge avant d’être monté à bord du Postmodernisme.

Persévérons. le long de ce boulevard, plutôt que l’Amérique des petits bouts importés pour façonner l’existence : quelques magasins enchaînés, car, lorsqu’ils sont venus reconstruire, il fallait bien apprendre à vivre à ces barbares qui ne savaient que s’entre-tuer. À leur tour ils étaient venus coloniser « to civilize the land », Qui se croyait destiné pourtant à être le maître du monde, destiné pourtant à exporter et affirmer à grands coups de béton, béton et chaîne, béton et acier, le béton des idées qu’on aurait dû laisser béton ; mais nous infligeons, chacun son tour la bétonneuse sur le rivage et maquiladorons le visage de l’autre pour y faire pousser les mesquines structures de l’oppression qu’on se refile à la file indienne indienne indienne le long de ces boulevards traversants qui débouchent sur un second centre.                       De fait, légèrement excentré : cinémonstre commercial évidemment doté de fast-foods, où le client prend en charge la caricature tant il semble qu’ici aussi la pénurie d’eau est organisée par nos cocacolonisateurs ; et de son alternative : Vegiburrito à la butternut. J’en viens à me demander qui est déterritorialisé, s’il y a un lieu qui puisse être nommé autrement qu’Untitled #59 183, au sein d’une série de cités obsédées à l’idée d’imiter le modèle des colonies de parasites.

Faisons demi-tour. Il me reste quelques endroits à vous montrer
Il pourrait être rouge (beau comme un camion) mais il n’est que verdâtre rouillé couleur du bronze trop salé par la marée bien éloignée de telles pensées idéales. Des poutres de métal posées sur la route au lieu de la soutenir, comme un ornement. Ce n’est pas le Golden Gate mais sa chétive progéniture atteinte de crétinisme. Prenons une inspiration pour se souvenir qu’on essayait de bâtir des temples à la hauteur des dieux…                       Désertés il n’en reste qu’une citation défraîchie, une balustrade décorative écrasée inopportune sur le trottoir, ankylosée riquiqui. De nouveaux dieux construisent pour nous des simulacres de ponts.
Et puis, il y a au centre de la place autour de laquelle ils tournent, comme le reste d’une civilisation oubliée, la statue du héros local autour de laquelle ils tournent, comme l’imitation d’un obélisque autour duquel ils tournent. — Qui donc ? Des putes et des nègres ! Alors, dois-je checker ma boussole ; n’étais-je en train de regarder vers le nord si policé ? du moins en apparence, si mesuré ?     Car je me crois en Bolivie pour quelque rituel carnavalesque version grotesquotrash.
Il reste ces soubresauts. Après avoir été tant colonisés, essayons de nous rappeler qui l’on est et qui méprise qui. Quitte à ce que face à ces processions l’on se demande Serais-je ce chien en laisse qui pisse sur les réverbères la marque de son territoire ?

Et toujours cette plage me vend quelque fantasme. Hutte hawaïenne qui s’inquiète, lorsque monte la marée, de voir ses transats et ses parasols de chaume synthétique, envolés, aux premiers coups de vents.

C’est peut-être cela : cette case n’est pas d’ici, non par essence ou nature, mais parce que le climat lui est ici fâcheux, et l’identité, n’est que l’habitude façonnée par la nécessité plutôt que le verni de l’illusion que l’on croit s’être choisie.

Reste, que le sable poli recèle cadres et barreaux de nos prisons : en le tassant bien, du verre et du béton pour croire qu’existe la possibilité du lieu.

Le Sous-Lieutenand'ès Pontif fait partie d'un crewpuscule de littérateurs radicalisés dont vous pouvez lire le travail sur  leur site Mangr0ve.com !

Pour citer cet article

Sous lieutenand'ès Pontif, "Importation, la vile américaine", RITA [en ligne], N°11 : juillet 2018, mis en ligne le 16 juillet 2018. Disponible en ligne: http://revue-rita.com/regards11/importation-la-vile-americaine-sous-lieutenand-es-pontif.html