La reconstruction discursive de l'identité collective des femmes et des indigènes guatémaltèques par Rigoberta Menchú
En déposant sa candidature aux élections présidentielles guatémaltèques, Rigoberta Menchú a accepté d'endosser une lourde responsabilité : la représentation au sein de la politique partisane de deux identités collectives minorisées, à savoir les femmes et les indigènes mayas...
... Partant du postulat théorique que les discours politiques ne sont pas que des mots mais ont un véritable impact symbolique, j'analyse dans cet article la façon dont la militante indigène a construit sa rhétorique dans le but de promouvoir la reconnaissance et de reconstruire deux identités marginalisées. Au cœur de tout son discours politique, on retrouve un paradigme dominant : celui de la complémentarité. L'argumentation en termes de complémentarité lui permet de combiner deux revendications a priori peu compatibles, l'appel à un respect des différences (tant de genre que de culture) et la promotion d'une politique égalitariste. Ce paradigme, que l'on observe déjà dans son livre-témoignage sur la vie des mayas durant la guerre civile, traverse sa campagne électorale avec une remarquable cohérence. Néanmoins, sa candidature se soldera par une déroute électorale. Sans prétendre y apporter de réponses, je conclurai l'article en soulevant quelques une des questions à même d'éclairer les causes d'un tel échec.
Mots clés: paradigme du discours ; reconnaissance ; complémentarité ; campagne électorale ; Rigoberta Menchú.
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Martin Deleixhe
Aspirant FNRS, boursier de la Fondation Wiener-Anspach
Université Libre de Bruxelles
La reconstruction discursive de l'identité collective des femmes et des indigènes guatémaltèques par Rigoberta Menchú
Introduction
Par contraste, dans le chef de Rigoberta Menchú, cette surprise face à son engagement politique est tout sauf une nouveauté. Menchú a été confrontée à cet étonnement dès ses premiers pas dans l'arène politique lorsque, encore très jeune, elle s'imposa comme l'un des porte-paroles de la communauté maya. Le caractère exceptionnel de sa présence au sein de l'arène politique nationale l'a contrainte à développer des discours qui légitiment sa participation malgré sa double altérité (en tant que femme et indigène). Ce sont ces discours de légitimation qui retiendront notre attention au cours de cet article. Quels sont exactement les paradigmes du discours (on définira cette notion dans un instant) auxquels Menchú a fait appel tout au cours de son engagement politique pour revendiquer que soit prêté une plus grande attention à la voix des femmes et des mayas dans les débats politiques?
En effet, Rigoberta Menchú est porteuse du discours politique de deux identités collectives minorisées, les femmes et les mayas, qui tentent de profiter de la fin de la guerre civile et de la transition vers un régime démocratique pour obtenir un meilleur accès à la vie publique. Ces deux groupes ont en commun d'avoir particulièrement souffert des affres de la guerre civile. Les femmes, d'une part, car elles ont été la cible de viols systématiques et d'autres violences perpétrés par les forces armées et, d'autre part, les mayas (autrement dit toutes les personnes qui se conçoivent comme les héritiers directs de la culture maya et qui se reconnaissent à travers la pratique de certaines coutumes) car l'armée, incapable d'atteindre les guérilleros, décida dans les années '80 de s'en prendre directement aux populations civiles, majoritairement les indigènes en zones rurales, susceptibles de soutenir la résistance armée (Barth, 2000). Dès lors, peu importe que ces identités soient numériquement majoritaires au Guatemala, elles occupent toujours une position minoritaire sur la scène politique où ils restent sous-représentés et où leurs préoccupations peinent à occuper le sommet de l'agenda. Ces deux identités portent toujours les stigmates de la violence du conflit civil et se trouvent par conséquent repoussées aux marges de la participation politique. En termes plus généraux, « [l]a majorité relève de la qualité plutôt que de la simple quantité arithmétique : le majoritaire, c'est ce qui se stabilise, c'est l'étalon, l'homme moyen que personne n'est réellement. » (Berns, 2007 : 52) L'effort de Rigoberta Menchú vise précisément à bousculer l'idée que l'identité collective de référence, l'étalon, est à chercher du côté de la figure socialement privilégiée de l'homme urbain ladino (la catégorie des ladinos recouvre un groupe social hétérogène formé de toutes les personnes qui ne se revendiquent pas comme ethniquement indigène, c'est-à-dire les descendants des colons espagnols, les métis et les indigènes qui ont rompu avec leur culture d'appartenance) pour mieux lui substituer d'autres identités collectives. Et la méthode pour y parvenir, en termes plus conceptuels, c'est l'introduction de nouveaux paradigmes sur le terrain du discours politique.
Après avoir exposé brièvement notre méthodologie, nous nous pencherons sur les image de la femme et de l'indigène véhiculées par le discours politique de Menchú et nous chercherons à voir comment celles-ci sont mobilisées pour légitimer une plus grande participation de ces groupes marginalisés. Pour ce faire, nous analyserons deux moments importants de la construction du discours politique de Menchú. Nous nous focaliserons d'abord sur son autobiographie rédigée au début des années '80 pour ensuite nous intéresser à la rhétorique qu'elle a mise en œuvre au cours de sa campagne présidentielle de 2007. Pour finir, nous suggérerons quelques pistes pour essayer de mieux comprendre pourquoi cette dernière s'est soldée par un échec.
I. Orientation méthodologique
Cette introduction fait référence à un ensemble de concepts de théorie politique qui appelle plusieurs clarifications. En quelques mots, disons que, afin de procéder à notre analyse, nous nous appuierons sur une conception du monde social développée par Jane Jenson. Celle-ci travaille à partir d'un modèle qui s'inspire du courant structuraliste dont elle cherche néanmoins à corriger la rigidité. Pour échapper au piège du déterminisme propre au structuralisme, elle postule que les individus sont des agents capables d'activités autonomes. Malgré cette liberté d'action, ils n'en restent pas moins soumis aux contraintes imposées par le réseau des relations sociales dans lequel ils sont immergés. Il ne s'agit donc en rien d'une liberté radicale et soustraite aux réalités sociales. Mais l'univers social ne se caractérise pas non plus par une reproduction quasi mécanique des structures sur lesquelles les acteurs n'auraient aucune prise. Les structures deviennent plutôt le terrain de luttes d'influence. Dans la sphère politique, ce terrain est dans une large mesure le discours politique lui-même (Jenson, 1998). Par discours, on entend ici la rhétorique manipulée par les acteurs politiques et la représentation du monde qu'ils offrent à travers celle-ci. Le discours politique occupe alors une position ambivalente qui fait de lui à la fois le lieu d'un affrontement entre structures sociales et l'instrument de la contestation de ces dernières.
Les structures sociales, parmi lesquelles on recense le discours politique, sont donc envisagées comme des objets dynamiques, susceptibles d'évolution. Cela n'en fait pas pour autant des socles mouvants en perpétuel renouvellement. Bien souvent, les structures connaissent des périodes de stabilité grâce à une régulation interne. Cette régulation intervient lorsque les pratiques, et la signification qui leur est conférée, se coagulent autour d'une identité collective qui finit par s'imposer comme prédominante. On peut alors parler de paradigme sociétal, autrement dit d'un « ensemble partagé de prémisses interconnectées qui donnent du sens aux relations sociales » (Jenson, 1998 : 238-239). Ces paradigmes ne sont pas immuables bien qu'ils jouissent, une fois leur autorité reconnue, d'une certaine inertie. Étant donné qu'ils informent et confèrent du sens aux relations sociales, ils les légitiment dans une même mesure et privilégient dès lors le maintien du status quo social. La continuité des relations sociales sous l'égide d'un paradigme sociétal n'est cependant pas éternelle. Car ils existent, à côté du paradigme sociétal dominant, tout une palette d'autres paradigmes portés par des identités collectives minorisées qui cherchent à promouvoir une réorganisation du social qui leur soit plus favorable.
Une fois postulé que le monde social est organisé le long de paradigmes sociétaux, il nous reste maintenant à nous interroger sur la forme que vont prendre ces derniers. Dans le cas du Guatemala, nous chercherons à identifier deux paradigmes distincts correspondant aux deux facettes de l'identité de la militante indigène. D'une part, le paradigme lié à l'identité collective des femmes et d'autre part celui lié à l'identité maya. En ce qui concerne l'identité féminine, nous ferons nôtre une classification établie par Baudino (2007). Selon cette auteure, il existe trois figures de femme différentes : l'égale qui ne se distingue en rien de l'homme, ni dans ses droits, ni dans ses capacités, l'autre moitié du monde, soit la figure complémentaire de la dualité des genres et enfin, la différente avec ses rôles et ses compétences propres. Parmi ces trois identités féminines, nous chercherons à déterminer quelle est celle mobilisée par Menchú afin de revendiquer le droit à une plus grande participation des femmes en politique.
Pour la conceptualisation du paradigme employé par Menchú dans son rôle de représentante des indigènes, nous nous référerons au modèle de la dialectique de la reconnaissance développé par Taylor. Selon ce dernier, « notre identité est formée par sa reconnaissance, ou plutôt par son absence de reconnaissance, c'est-à-dire le plus souvent par sa méconnaissance de la part de ceux qui nous entourent. » (Taylor, 1994 : 25, notre traduction). Dans cette relation dialogique où se construit l'image de soi des communautés culturelles minoritaires, l'enjeu n'est pas seulement la reconnaissance de l'existence d'une culture différente : « Mais la demande supplémentaire à laquelle on est confronté requiert que nous reconnaissions la valeur égale de différentes cultures, ce qui n'implique pas seulement de garantir leur survie mais également de prendre acte de leur valeur intrinsèque.» (Taylor, 1994: 65, notre traduction). Nous verrons quel est le paradigme du discours employé pour revendiquer cette présomption à l'égale valeur des cultures.
Il serait tentant de postuler que la complexité de ce discours, notamment du fait de la variation dans les registres employés, aurait rendu sa compréhension difficile. On en viendrait à penser que les électeurs guatémaltèques n'ont pas distingué et isolé chacun des registres employés et que cela constituerait l'un des facteurs explicatifs de la déroute électorale de Rigoberta Menchú, qui n'a remporté que 3% des votes au premier tour (« ‘Manos limpias' fueron insuficientes para convencer », La Prensa Libre, 11 septembre 2007) malgré un sondage pré-électoral lui attribuant un taux de sympathie au sein de population de l'ordre de 66%. (« Partido indígena participará en comicios del 2011 », La Prensa Libre, 20 juin 2006) Nous chercherons cependant à montrer que le discours de Menchú est plus structuré qu'il n'y paraît de prime abord. Malgré la variété des identités représentées, un paradigme unique du discours va faire surface par delà les oscillations rhétoriques et s'imposer dans la campagne de Rigoberta Menchú. Les causes de la défaite électorale sont à chercher ailleurs. Afin de le démontrer, nous travaillerons à partir d'un corpus qui rassemble d'une part l'autobiographie de Menchú (pour des raisons que l'on expliquera dans un instant) mais également les discours de Menchú tels qu'ils ont été relayées dans la presse par deux des quotidiens de qualité les plus populaires au Guatemala (El periódico et La Prensa Libre) durant la campagne électorale, soit entre janvier et octobre 2007.
II. Me llamo Rigoberta Menchú y así me nació la conciencia
Cet ouvrage, rédigé à partir d'une semaine d'entrevues à Paris avec l'anthropologue Elisabeth Burgos, n'est pas une biographie au sens étroit du terme. Son récit est plutôt, selon les termes de Menchú « un témoignage vivant, que je n'ai pas appris dans un livre, et que je n'ai pas non plus appris toute seule, vu que tout ça, je l'ai appris avec mon peuple, je voudrais bien insister là-dessus. » (Burgos, Menchú, 1983 : 21). L'accent est d'emblée mis sur la dimension collective du récit, indiquant sans équivoque que ce témoignage dépasse de loin la simple expérience de vie de Menchú. Il est plus exact dans ce cas de parler d'un testimonio, un genre littéraire proche de l'autobiographie sans pour autant se confondre avec elle, défini comme « le récit communautaire d'une vie personnelle » (Arias, 2001 : 76). L'ambition sous-jacente est de rendre perceptible l'expérience collective de toute une communauté à travers une vie singulière. Ce projet propre au testimonio place Rigoberta Menchú dans la position de porte-parole de sa communauté, ce qui est un premier pas dans le champ politique. L'ouvrage aura un tel écho qu'il est cité par le comité Nobel comme l'un des motifs du choix de Rigoberta Menchú au titre de lauréate du prix Nobel de la paix de 1992. (Sejerstad, F., chairman of the Norwegian Nobel Committee, « The Nobel Peace Prize 1992 : Presentation Speech »)
« Mais, par exemple, quand mon papa voyait mon petit frère, qui tombait très souvent malade, qu'il était presque à l'agonie, mon papa s'enfuyait. Pour lui, il valait mieux se soûler et tout oublier. Tandis que ma maman ne se permettait pas le luxe de se soûler quand elle devait faire tout le possible pour arracher mon petit frère du danger de la mort. » (Burgos, Menchú, 1983 : p. 289)
Les rôles sont explicites. La femme est en dernier recours la responsable du bien-être familial, tandis que l'homme jouit d'une plus grande indépendance par rapport à la cellule familiale.
Cette distinction genrée se perpétue jusque dans l'engagement politique. Si la femme et l'homme doivent bien lutter côte à côte, et s'opposer ensemble au régime militaire, la femme ne doit pas pour autant renier sa nature.
« Ma mère n'a pas fait de distinction entre la lutte de l'homme et la lutte de la femme. Elle disait : "Je ne t'oblige pas à cesser de te sentir une femme, mais ta participation doit être à l'égale de celle de tes frères. Mais tu ne dois pas pour autant te rajouter comme un numéro de plus. Ça veut dire que tu dois accomplir de grandes tâches, analyser ta situation en tant que femme et exiger ta part" » (Burgos, Menchú, 1983 : p. 288)
La logique égalitariste est perceptible dans cet engagement commun qui aplatit les différences de genre. Mais cet égalitarisme ne va jamais jusqu'à abolir complètement le genre puisque c'est bien en tant que femmes que les femmes doivent s'engager. De plus, le rôle assigné de mère rattrape à nouveau les femmes car il y a derrière l'engagement féminin une logique du sentiment qui se rattache toujours aux rôles familiaux de la femme (Jelin, 1997 : 21). L'engagement de la mère de Rigoberta Menchú en donne un exemple significatif. C'est suite aux décès de deux de ses enfants par malnutrition puis à l'exécution sommaire par l'armée d'un troisième fils que la mère de Rigoberta Menchú décide de se consacrer pleinement à l'action politique (Burgos, Menchú, 1983 : 243). Le motif de l'engagement politique s'inscrit donc dans la continuité, parfois sous une forme dramatique, du rôle de la mère qui est de prendre soin de la famille.
« [Ma mère disait que] ni l'homme n'est coupable ni la femme n'est coupable du machisme, mais que le machisme fait partie de toute la société. Mais que pour combattre le machisme, il ne fallait pas s'attaquer à l'homme, pas non plus s'attaquer à la femme. [...] Parce que bien des fois on tombe dans les deux extrêmes, et la femme dit, je suis libre, et elle se radicalise en ce sens. Alors, au lieu de résoudre le problème on l'agrandit encore. » (Burgos, Menchú, 1983 : p. 285)
Ce qui est particulièrement soulignée dans ce passage, c'est l'interdépendance des genres et, en conséquence, la nécessité de leur collaboration. Selon Menchú, la rupture de la coopération au sein du couple est préjudiciable à l'émancipation féminine. Au vu d'une telle affirmation, on ne peut pas soutenir que la femme soit seulement différente par rapport à l'homme, auquel cas elle pourrait pleinement assumer une vie autonome, elle lui est également complémentaire. Elle est l'autre moitié avec laquelle il faut entretenir le dialogue et chercher l'équilibre (Marques-Pereira, 2003 : 122-124).
C'est à travers cette image du rapport entre les genres que Rigoberta Menchú cherche à faire bouger les lignes politiques et à légitimer de nouveaux paradigmes politiques. Cette représentation de la femme comme complémentaire de l'homme cherche à combiner le respect du statut spécifique de la femme dans la culture indigène avec une revendication égalitaire. Comme cette revendication ne peut s'appuyer sur la reconnaissance d'une commune humanité, Rigoberta Menchú la formule plutôt en termes d'équilibre et de coopération. Un dernier extrait nous en apporte la confirmation.
« Dans l'immédiat, nous pensons nous les femmes que c'est alimenter le machisme quand on fait une organisation rien que pour les femmes, parce que ça impliquerait de séparer les femmes du travail de l'homme. Et nous avons trouvé que quand nous discutons des problèmes de la femme, il est nécessaire que l'homme soit présent pour qu'il contribue aussi. » (Burgos, Menchú, 1983 : p. 292)
Il est bon de s'interroger brièvement sur l'origine culturelle d'une telle conviction. Quelles sont les ressources culturelles partagées que Rigoberta Menchú mobilise pour imposer une telle image ? On peut en identifier deux. D'une part, la religion catholique, à laquelle la plupart des indigènes sont convertis, fournit une gamme de personnages féminins auxquels il est possible pour les femmes indigènes de s'identifier (d'autant plus que selon les mots de Menchú, « on [les indigènes] a pris la Bible comme un instrument qui parle des ancêtres. » (Burgos, Menchú, 1983 : p.272)). Parmi celles-ci, la figure de Marie a eu, grâce à l'image de fertilité qu'elle véhicule, une résonance toute particulière. Judith, qui a adopté une attitude de lutte face à l'envahisseur romain, est également source d'admiration pour Menchú (Burgos, Menchú, 1983 : p.187). Mais, de façon générale, la référence aux figures féminines catholiques a plutôt pour effet de mettre l'accent sur la nature fertile et donc différente de la femme.
III. La campagne électorale
Lorsque l'on se penche sur la rhétorique de Rigoberta Menchú au cours de sa campagne électorale, on va retrouver, tant dans le discours proprement dit que dans les actes, les mêmes paradigmes. Ils sont déclinés selon des formes nouvelles (plus de 20 ans se sont écoulés) mais le contenu des représentations demeure substantiellement semblable. La femme est toujours l'autre moitié du monde, spécifique mais complémentaire, tandis que l'indigène est l'autre moitié du Guatemala, culturellement à part mais sans qui le développement du pays ne peut se faire.
Mais, comme précédemment, cette première impression est contrebalancée par une rhétorique égalitariste qui joue sur le registre de la collaboration et de l'équilibre, et ce tant au niveau des genres que des ethnies. L'élément le plus marquant de ce point de vue est sûrement le choix du vice-président potentiel. Alors que Rigoberta Menchú s'est associée à un parti fondé et présidé par une femme, son équipe va contre toute attente désigner Luis Fernando Montenegro, un grand entrepreneur ladino, comme vice-candidat. (« Rigoberta Menchú pide votó: Luis Fernando Montenegro será su companero de formula », La Prensa Libre, 30 avril 2007) On peut légitimement supposer que l'idée était d'avoir un ticket présidentiel équilibré. Par ailleurs, on retrouve une cohérence autour de la thématique de la complémentarité jusque dans le choix des termes employés dans ses contacts avec les médias. Dans l'interview qu'elle accorde le 3 juin au Periódico pendant sa campagne, Rigoberta Menchú emploie le terme « inclusif » aussi bien pour décrire son projet de réforme agraire que sa personnalité. Plus loin, elle parle de sa « culture du dialogue » qui lui permettra de discuter avec tous les secteurs de la société civile, armée comprise (ce qui n'est pas une mince affaire pour quelqu'un qui a perdu presque toute sa famille aux mains des militaires). C'est toujours suivant la même logique qu'elle plaide d'une part pour une réforme constitutionnelle qui fasse de l'Etat guatémaltèque un Etat « pluraliste » (« Reformas constitucional y fiscal en plan de EG-Winaq », El Periódico, 17 mai 2007) qui reconnaisse la culture maya (ce qui se traduirait, entre autres, par un enseignement dispensé dans les langues régionales et non plus uniquement en espagnol) et d'autre part pour une réconciliation nationale autour d'une histoire collective assumée. (« Dia clave para decidir si Menchú va con Encuentro por Guatemala », El Periódico, 19 février 2007)
Conclusion
Bibliographie
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Berns Thomas (2007). « Citoyennetés, spécificités et appartenances ». In Jenson Jane, Marques-Pereira Bérengère et Remacle Eric, L'état des citoyennetés en Europe et dans les Amériques. Montréal : les Presses de l'Université de Montréal.
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Taylor Charles (1994). « The Politics of Recognition ». Dans Gutmann Amy. Multiculturalism : Examining the Politics of Recognition. Princeton : Princeton University Press.
Pour citer cet article:
Deleixhe Martin, «La reconstruction discursive de l'identité collective des femmes et des indigènes guatémaltèques par Rigoberta Menchú », RITA, N°4 : decembre 2010, (en ligne), Mis en ligne le 10 decembre 2010. Disponible en ligne sur http://www.revue-rita.com/notes-de-recherche-60/la-reconstruction-discursive-de-lidentite.html