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Douleurs privées et problème public. Ressources et contraintes associées à la position de victime dans l’espace public

Private pain and public problem. Resources and constraints associated with the victim's position in the public sphere

 

Résumé

Cet article s’intéresse à la structure de l’espace public et plus particulièrement à la position de victime, entendue comme position de sujet. Il s’agira à partir d’un cas particulier observé en Argentine de comprendre comment cette position peut offrir une surface d’exposition médiatique très rapide et importante mais aussi contraindre l’énonciation dans un registre particulier empêchant toute capitalisation politique. Ce cas particulier permettra de saisir les ressources et les contraintes qu’offre une telle position dans l’élaboration des problèmes publics, tel que la sincérité et l’apolitisme, empêchant une véritable subjectivation politique.

Mots clés : Politique; Espace public; Argentine; Discours; Démocratie.

Abstract

This article focuses on public space structure and more particularly to the position of victim, understood as subject position. It will be from a particular case observed in Argentina to understand how this position can offer a very quick and large area of media exposure but also constrain in a particular register preventing political capitalization. This particular case will capture the resources and constraints offered by this position in the development of public problems, such as sincerity and apolitical, preventing effective political subjectivity.

Key words: Politics; Public Space; Argentina; Discourse; Democracy.

 

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Américo Mariani


Docteur en Sociologie
LISST-CERS

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Douleurs privées et problème public.

Ressources et contraintes associées à la position de victime dans l’espace public

 

 

Introduction

          L’histoire de l’émergence de la figure de la victime n’est plus à faire (Chaumont, 1997; Fassin and Rechtman, 2007; Wievorka, 2003). Après avoir été longtemps laissés pour compte, ceux et celles qui parviennent à faire admettre leur statut de victime ont droit désormais à « participer à l’écriture de l’Histoire », (Lefranc, Mathieu and Siméant, 2008) non sans difficultés et censures bien évidemment (Romano and Cyrulnik, 2015). Cet article abordera le paradoxe de la position de victime qui à la fois confère une exposition médiatique forte, sorte de « droit à la parole ». Tout en assignant les personnes à une place énonciative contrainte et limitée dans la construction des problèmes publics. Position de victime non comme condition ou statut de victime, l’une se définissant par l’expérience d’un vécu traumatique et l’autre par la reconnaissance, mais position entendue comme place relative dans l’espace public. Je fais référence ici aux positions de sujets dans l’espace de l’énonciation de M. Foucault (2008). L’organisation de la prise de parole et de l’apparition publique, confère à cette position un registre d’énonciation particulier. Autrement dit, la dramaturgie des problèmes publics (Gusfield, 2009) aurait partie liée avec une certaine esthétique du politique (Rancière, 1995), la position de victime permettant de comprendre la configuration et l’économie générale de l’espace public[1]. Ainsi, il s’agira de saisir ce que cette place d’énonciation particulière nous apprend sur l’économie de la place publique médiatique, et non d’évoquer la mobilisation et constitution d’un groupe à partir d’une expérience victimaire, i.e. d’un vécu traumatique particulier.

C’est alors que j’effectuais mon travail de terrain, dans le cadre ma thèse (Mariani, 2012), au sein du congrès argentin, que j’ai en quelque sorte croisé ce que je vais développer ici : la position de victime comme position d’énonciation. C’est depuis l’espace public parlementaire, à partir de la résonnance en son sein, que je vais me saisir de cette question. Ce qui est présenté à la suite est en quelque sorte un résultat périphérique de ce travail de terrain. Les entretiens effectués auprès des parlementaires, les observations et analyses des sessions du congrès n’ont pas spécifiquement portée sur cette question et pourtant, elle n’a cessé de surgir. Je l’ai ensuite approfondi à travers un travail d’observation spécifiques et une analyse de la couverture médiatique. Nous sommes alors dans au mitant de la mandature Kirchner et pour l’heure aucune personnalité ou force politique semble pouvoir lui disputer le pouvoir (Bernadou, 2009). C’est le moment de la construction du kirchnerisme qui va se caractériser très tôt par une politique de promotion de la question des droits humains et la prise en compte des victimes du terrorisme d’Etat de la dernière dictature en rupture avec ce qui avait été fait jusqu’alors. À travers un cas particulier, celui de Juan Carlos Blumberg en Argentine, nous poserons d’abord les caractéristiques propres d’une position d’énonciation victimaire. Nous développerons ensuite plus précisément les questions de sincérité et d’authenticité considérées ici comme centrales. Enfin, nous verrons les fragilités de l’appropriation des problèmes publics à partir d’une position de victime. Et aussi les liens que l’on peut faire avec l’organisation de l’énonciation des torts, la tâche de les rendre visibles et dicibles dans le cadre des gouvernements représentatifs[2].

I. L’appropriation d’un problème public à partir d’une position de victime : réflexion à partir du cas Blumberg

          Juan Carlos Blumberg apparaît sur la scène publique à la suite de l’enlèvement et du meurtre de son fils Axel en 2004. Les parents deviennent alors le point focal des nombreuses équipes de radio, de télévision et de la presse de la capitale (Annunziata, Mauro and Slipak, 2006). Les médias donnent à voir un père de famille « comme tout le monde » accablé par la douleur, mais capable de surmonter ses peines propres au nom du bien commun, de l’intérêt général. Un rassemblement devant le Congrès national est organisé le 1er avril 2004, moins de 15 jours après la découverte du corps, ce sont 130 000 à 150 000 personnes[3] présentes, des milliers de bougies allumées en souvenir. Ici, nous avons effectivement toute la gamme de l’usage des « codes » de la protestation victimaire : blanc, deuil, bougies, un répertoire qui se transmet (Crossley, 2006). D’une tribune, Juan Carlos Blumberg déclare : « Nous sommes venus là où sont nos représentants pour demander de petites choses, simples, pour que nos enfants puissent travailler, étudier et qu’ils ne soient pas assassinés. Aujourd’hui, Axel est l’enfant de tous ». Il a d’ores et déjà une pétition en sept points à soumettre aux législateurs. L’écho politique est immédiat, le vice-président de la république et le président de la Chambre des député.e.s reçoivent en mains propres les doléances. Le ministre de l’Intérieur s’exprimera immédiatement après la marche signalant la justesse des réclamations, la nécessité d’une révision de la politique de sécurité : « Pour le gouvernement, cela n’a pas été sans importance. Nous partageons la douleur des victimes, nous les accompagnons et nous leur renouvelons l’engagement de combattre la délinquance et d’en finir avec l’impunité. » Cette phrase illustre le malaise provoqué par les demandes « sécuritaires » de Blumberg en associant « combattre la délinquance » et « en finir avec l’impunité ». Le mandataire tente d’inscrire ces demandes dans le registre des luttes pour « la vérité et la justice ». En effet, l’influence des causes nouées autour des tragédies est, en Argentine, marquée par l’histoire récente. La matrice de la position de victime est fortement liée à la lutte associée aux disparitions forcées, tortures et globalement à la répression de la dernière dictature (1976-1983). Les Mères de la Place de Mai sont centrales dans la construction de cette symbolique victimaire. Leur lutte pour la « vérité et la justice », pour la « ré-apparition en vie » est celle qui, par ses formes « sauvages »[4], en dehors de ce qu’il était alors possible et accepté, va participer de l’émergence de la démocratie en Argentine. Bien évidemment les Mères et grands-mères de la Place de Mai ne sont qu’une partie, très symbolique, d’un « mouvement des droits humains » qui a participé au développement d’une « culture du droit » dans la société argentine (Cheresky, 1989) et qui va marquer profondément les modalités du politique de l’après dictature jusqu’à nos jours. Leurs actions ont contribué à l’ouverture d’un espace d’énonciation des torts, et de constitution de sujets revendicatifs, marqué par une contestation de l’arbitraire et de la répression étatique. C’est pourquoi, lorsqu’une « figure victimaire » s’impose en prônant des mesures dites de mano dura —répressives et sécuritaires— elle se décale du modèle et révèle avec plus de force l’autonomisation de la position de victime dans l’espace public. Blumberg, que l’on surnommera « l’ingénieur », gagne immédiatement un statut de référence sur la question de l’insécurité et il va, alors devenir le « propriétaire » de la définition du « problème de l’insécurité ». C’est-à-dire qu’il va se retrouver dans une position privilégiée pour distribuer les responsabilités et élaborer les « solutions ». C’est un véritable statut de représentant politique des « victimes » qui lui est conféré, le mettant en concurrence avec les élu.e.s. Ceci est énoncé très clairement dans les statuts de la fondation créée à la suite des mobilisations :

L’objectif de la fondation est celui que les citoyens lui ont assigné par leur appui dans chacune des trois manifestations massives : canaliser les demandes de plus de justice et de sécurité à travers un nouveau compromis citoyen pour le bien commun [...].

Cette volonté de représentation des desiderata citoyens, même si elle ne remet pas formellement en cause les mécanismes du gouvernement représentatif, puisqu’elle se veut simple médiation, remet en cause le travail législatif. C’est clairement exprimé par les représentant.e.s élu.e.s qui se sentent alors mis en concurrence directe avec elle[5] : « La victime a le droit depuis sa douleur de tout manifester. Mais ce qu’elle n’a pas, c’est l’autorité au nom de sa douleur d’imposer une législation comme veut le faire Blumberg. » (N. M. députée depuis 2005). Juan Carlos Blumberg est, à la fois celui qui sait pour avoir vécu dans sa chair la douleur et celui qui dépasse celle-ci pour formuler des propositions qui ne sont pas issues d’un savoir froid et technique, mais directement de nécessités vitales : l’expérience contre l’expertise, mais l’expérience qui sait parler le langage du droit. En effet, il proposera directement des projets législatifs qui seront pour une bonne part effectivement transformés en loi. La question demeure de savoir ce qui confère à cette position d’énonciation sa force et sa capacité d’être entendue et prise en compte.

II. La sincérité et l’apolitisme comme ressources de la légitimité à dire

          Une fois devenue un des registres d’énonciation disponibles, la position de victime excède la question du traumatisme. Ce n’est pas dans le traumatisme qu’il faut chercher l’efficace de cette position, mais dans une économie générale de l’expression sur la place publique médiatique. Ici, la mort de l’enfant, malgré toute la charge émotionnelle et l’incontestable tort qu’elle constitue, ne peut être l’élément qui fait la différence (Latté, 2012). La victimisation —l’expérience traumatique— n’a de sens que comme « sésame » de l’exposition médiatique. Ensuite, le droit de citer (de prendre place dans la cité) est conditionné par des éléments connexes, en premier lieu desquels la sincérité et l’apolitisme.

L’énoncé, pour être audible, doit être marqué par la sincérité, l’authenticité de la victime, par l’expression de ses blessures propres. Ainsi s’expose un réel sans fard, un fait brut sans interprétation. C’est la vie même qui s’exprime et se donne à voir. Bien évidemment le désintéressement, le caractère non partisan sont des conditions d’une sincérité « réelle » —la parole victimaire pour être légitime ne se situe pas sur l’échiquier politique— « ni droite, ni gauche », simplement à ras d’une réalité quotidienne, celle de monsieur et madame tout le monde. Le soupçon de l’appât du gain, de la vengeance, du débordement par l’émotion pèse de manière importante sur l’énonciation victimaire (Latté, 2015). Pour conserver sa légitimité elle doit donner des gages de ne pas agir pour son bien propre, de ne pas être animé par des intérêts matériels. Jeux d’équilibre où la position singulière doit s’exprimer dans les mots du commun. Si l’on se réfère au modèle dramatique de l’action publique, on comprend que ce registre ne renvoie pas à une « substance » réelle de la victime et à une hiérarchisation des traumatismes mais à une « performance réussie », un « faire croire » qui touche sa cible. « L’expérience est restituée de telle façon qu’elle simplifie des idées complexes et intensifie l’engagement émotionnel des spectateurs » (Gusfield, 2009 : 87). Le registre de la victime est une sorte d’image d’une réalité, et dans une économie médiatique où l’image vaut mille mots, elle bénéficie d’un privilège d’énonciation indéniable.

On peut voir comment, dans le cas de l’ingénieur Blumberg, ce registre de la spontanéité est mobilisé pour assurer la position de « propriétaire » de la question de l’insécurité avec une mise en scène virtuose de « la mobilisation sans mobilisation ». Précisons que, si l’histoire veut que ce soit la spontanéité qui soit la cause principale de la mobilisation, la réalité est toute autre, des liens institutionnels ont permis le succès de la première marche et des suivantes : le syndicat des personnels législatifs, Red solidaria, un réseau d’associations et de groupements citoyens principalement, mais aussi d’autres syndicats, des centres commerciaux, Canal 9 (une chaîne de télévision), des collèges qui organiseront des transports en bus de leurs élèves et parents d’élèves pour assister à la manifestation. Rien de bien étonnant qu’une mobilisation s’appuie sur des réseaux pour assurer son succès et pour s’organiser. C’est la disparition de cette dimension en privilégiant, dès le départ, la spontanéité, qui est ici intéressante. Le journaliste de La Nación [6] qui assiste à la première manifestation reste complètement sous le charme du dispositif, étant dès lors un élément d’accréditation de celui-ci :

[…] la manifestation a eu par moments la force mystérieuse d’une procession religieuse, dans laquelle il n’y avait pas pour autant de foi mobilisatrice (qui convoque) ni une institution organisatrice sinon un paysage agglutinant de bougies qui semblait nous renvoyer à une réalité supérieure et transcendante.

Cet éditorial qui n’accompagne pas moins de 7 articles sur le sujet, au lendemain de la première manifestation, s’intitule : « La véritable voix de la majorité silencieuse »[7]. L’auteur insiste sur le caractère « spontané », « non convoqué par une chapelle », mais par une « réalité supérieure et transcendante ». Il est clair que l’importance de l’événement tient dans son inscription en dehors des structures traditionnelles de mobilisation. C’est, d’une certaine façon, une expression du « vrai peuple » qui est ici mise en scène, une authenticité des « gens » qui tranche avec les mobilisations d’intérêt sectoriel et construit l’illusion d’une expression sans écart à la réalité. Est-ce que pour autant il s’agit d’un calcul ? Difficile de le savoir et cette simple évocation renvoie au soupçon qui pèse sur les victimes. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est l’intuition de la part de non professionnels qu’il leur fallait jouer de sincérité et de neutralité pour être crédibles. Dans une mobilisation, l’enjeu est d’avoir un impact, d’être visible et audible.

Cette dramatisation de l’authenticité liée à la position de victime se retrouve à différents endroits et fait partie d’un savoir commun sur les possibilités de prise de parole publique que l’on retrouve tout aussi bien dans le cadre d’un agir politique situé (Gusfield, 2009). On peut retrouver des éléments comparables dans le contexte français. Stéphane Latté, dans son travail sur la catastrophe d’AZF[8, rapporte l’épisode d’une militante « peu prompte (…) à l’épanchement intime » qui livrera à un journaliste de télévision un témoignage sur mesure, habilement ponctué par des larmes (Latté, 2012 : 419). Ou encore cette insistance des journalistes pour que les anciens ouvriers de l’usine mettent en avant leur statut de victimes pour prendre part et place dans le débat qui a suivi l’explosion et leur refus d’endosser cette position. Les exemples ne manquent pas montrant la consistance d’une position de victime comme registre énonciatif. Ce registre d’énonciation particulier est une ressource pour prendre part et place de manière efficace et légitime dans la sphère publique.

Être désigné et reconnu comme victime devient dès lors un enjeu. Faire valoir un droit, une revendication, énoncer un tort en s’adossant à la revendication de ce statut est un phénomène qui revient sans cesse dans la sphère publique, et pas uniquement dans les médias comme on a pu le voir. La petite ritournelle du « Qui est la vraie victime dans cette histoire ? » est devenue incontournable, mobilisée pour poser une ligne de démarcation entre le juste et l’injuste, pour argumenter de sa légitimité à dire et surtout pour délégitimer les arguments adverses. C’est la mise en scène de la douleur privée, comme expression d’un réel sans déformation partisane, comme expression d’une sincérité et d’une authenticité incontestable, qui est mobilisée pour prendre place dans le drame de l’action publique. Si cette position d’énonciation permet, dans certain cas, un accès rapide à une position de propriétaire il n’en reste pas moins limité du fait même de ses conditions de possibilité.

III. Une propriété conférée : les limites de l’énonciation dans la position de victime

           L’affaiblissement et la progressive disparition du phénomène Blumberg confirment l’importance de la dépolitisation comme facteur de légitimité. Nous verrons comment l’assimilation progressive du discours à une prise de position partisane va affaiblir l’audience jusqu’à la rendre complétement anecdotique. Cet exemple permet de saisir les limites de la position de victime.

Ce seront quatre marches organisées au fil des années, la dernière amenant l’ingénieur et ses partisans sur la Place de Mai le 31 août 2006. La « plaza de Blumberg », titrent les quotidiens. Cette arrivée de la croisade sur cette place centrale dans la symbolique du pouvoir —la Place de Mai— reste marquée par une volonté d’apparaître comme apolitique : « La marche est apolitique, sans pancarte de parti. Nous porterons seulement une bougie comme symbole de la vie », affirment les organisateurs, désormais la fondation « Axel Blumberg pour la vie de nos enfants »[9]. Mais la présence d’une contre manifestation et les prises de position de l’ingénieur donnent une autre tonalité qui politise de plus en plus ces manifestations. Le lien entre l’installation croissante de l’ingénieur dans le jeu politique et sa chute de popularité pose très clairement les limites imposées par les conditions de légitimité qui sont les siennes (Annunziata, Mauro and Slipak, 2006). En effet, l’appel à manifester sur la Place de Mai réunit un grand nombre de personnes, mais il s’agit de plus en plus de cristalliser un mécontentement vis-à-vis d’une politique et d’un gouvernement. À un moment où le président au pouvoir affirme son hégémonie en insistant sur une politique progressiste, ce mouvement apparaît comme une contradiction et est, de plus en plus, présenté comme telle. Blumberg s’en défendra dans un premier temps tout en cherchant à intervenir dans le champ politique —moins d’un an plus tard en 2007, il se portera candidat au poste de gouverneur de la ville de Buenos Aires. À la tête d’un parti provincial, « Frente vamos » (Front allons-y), il n’obtiendra que 0,89 % des suffrages. Comment un personnage médiatique de premier ordre, qui a alimenté par ses prises de position et ses propositions un grand nombre de débats législatifs, est-il passé en peu de temps du devant de la scène à la discrétion la plus totale ? Notre hypothèse ici est qu’on ne représente les « vrais gens » qu’au prix d’une mise à distance de l’arène politique qui, sur le long et moyen terme, est difficile à tenir. Maintenir l’image de bon père de famille qui pourrait être n’importe lequel d’entre nous, le courage et l’altruisme en plus, n’est pas aisé lorsque l’on cherche par ailleurs à influer sur le politique et l’écriture des lois comme sur l’agenda de l’exécutif. La sincérité est alors l’apanage de la spontanéité, une frontière ténue sépare la sincérité des « citoyens mobilisés » et le calcul politique partisan.

La position de victime ne résulte pas d’une décision délibérée. C’est parfois la seule possible pour énoncer un tort, pour prendre part et place dans la définition d’un problème et dans sa résolution. Pour le meilleur, comme dans le cas des mères de la Place de Mai qui ont su pérenniser une intervention politique dans le temps. Dans un contexte dictatorial violent cette position s’est révélée porteuse d’une puissance insoupçonnée qui perdure encore dans la politique argentine. Parfois pour le pire, si l’on prend comme exemple le cas en France, des personnes abattues par la police, comme le souligne S. Latté (2015), les familles sont renvoyées à du compassionnel, ne pouvant participer à l’émergence de cette question sur la place publique[10]. Dès lors la position de victime agit surtout comme une assignation à l’expression de la douleur, au grognement inarticulé de la phonè plus qu’à l’expression politique du logos. De marche silencieuse en marche blanche, d’émeutes en voitures brulées, la question peine à émerger comme un problème public, comme une question politique. Qu’est-ce qui, alors, fait la différence entre deux prises de paroles, deux énonciations ? Quelles sont les conditions de félicités qui permettent là une inscription durable et ailleurs au contraire une position éphémère ?

Comme l’a déjà montré S. Latté (2012) ce n’est pas à la force de l’événement traumatique qu’il faut attribuer la puissance des « vivants parlant au nom des morts » (Wievorka, 2003 : 28). Ainsi, il faut distinguer deux éléments en partie contradictoire, d’une part, ce qui fait politique et d’autre part la position de victime. Politique est entendue ici comme interruption d’un ordre : à la fois par l’évocation d’un tort et, dans le même temps, la désignation de responsabilités. La position de victime elle relève de l’agencement de l’espace public, elle est alors un registre d’énonciation qui, s’il amène de l’exposition et de la visibilité médiatique, limite au final les possibilités proprement politiques des énonciateurs. C’est-à-dire la possibilité de faire voir et entendre le tort et d’énoncer les moyens d’y mettre fin.

Ici se pose la nécessité de comprendre le contexte qui rend possible une position plus « conférée » que réellement autonome —répondant à des règles et des buts élaborés en propre. À l’analyse les registres victimaires se révèlent comme donnant lieu, sur la place médiatique, à ce qu’il est possible de désigner comme de véritables « bulles représentatives » : elles se développent rapidement —la fulgurance de leur émergence étant un trait définitoire— s’imposent comme une référence obligée et incontournable, puis disparaissent sans laisser de trace. La propriété, (au sens que lui donne J. Gusfied) associée à la position de victime dans le débat public, a tout d’un bail précaire qui peut être interrompu unilatéralement. C’est une propriété « conférée », qui est conséquence de l’agencement de la scène plus que résultat d’une caractéristique propre des personnes. C’est pourquoi la qualité de victime (comme condition et comme statut) n’est pas intrinsèque à l’expérience concrète, le traumatisme n’est pas définitoire ; il est reconnu ou pas, en dehors de tout constat clinique, du fait de son adéquation avec un registre d’énonciation. S’il est aisé de remarquer le caractère éphémère des existences médiatiques, il faut souligner aussi que la position de victime donne lieu à une parole limitée dans son champ d’énonciation. Encore une fois, ce n’est pas le lien avec le traumatisme —l’expérience traumatique— qui est en cause mais une position de sujet, une place d’énonciation qui préexiste à l’énoncé. Cette passerelle, privilégiée pour la prise de parole publique —la mise en lumière sous le « feux des projecteurs » selon l’expression consacrée— conditionne aussi le périmètre de la parole et peu être très vite un carcan dont il est difficile de se défaire. Plus qu’une énonciation propre, c’est un discours déjà existant qui trouve ses sujets, qui distribue des positions d’énonciation. Il n’est pas irruption d’une parole et « inscription d’un nom dans le ciel » comme le font les plébéiens lors de leur sécession sur l’Aventin (Rancière, 1995 : 45-49) transformant à la fois la place de l’énonciation et le contexte de celle-ci. Au contraire la position de victime est un ticket d’entrée pour une parole déjà là, en quelque sorte déjà pré écrite, et qu’on occupe de manière précaire un temps qu’il est impossible de maîtriser.

Conclusion

           « La réalité n’est pas une entité amorphe qui attend d’être découverte » (Gusfield, 2009 : 54). La position de victime apparaît effectivement comme une ressource permettant d’accéder à la place publique et de faire voir une réalité. La mise en lumière des douleurs privées, le récit d’un vécu individuel rend possible une exposition de soi et de sa situation. Cette modalité d’énonciation des souffrances privées permet la « transformation de faits abstraits en faits à la portée dramatique, qui impliquent des prises de position, qui réveillent des images et des valeurs, qui ont une signification d’ordre poétique plutôt que sémantique. » (Gusfield, 2009 : 86). Cette visibilité, sur la place médiatique rend possible une appropriation de la définition d’un problème public mais de manière limitée et contrainte. Cette position de victime est conséquence de la configuration de la dramaturgie du débat public en régime médiatique et l’efficace de l’énonciation victimaire a partie liée avec une prise de distance avec le politique, voire comme une antithèse de ce que l’on prête de calcul et d’intentionnalité à la parole politique. La victime se doit d’être sincère là où le politique est mensonge ou demi-vérité, la victime est désintéressée là où le politique est expression partisane des intérêts. Paradoxalement la victime incarne un « bien public » de par l’expression radicale de sa douleur privée. Mais attention, si les « victimes » font des fausses notes sur la partition serrée qui est la leur, qu’elles « en fassent trop » ou qu’elles « sonnent faux », et tout s’arrête. La conjonction entre douleur privée et problème publique se brise et l’universel du cas disparait. La position de victime est l’introduction d’un corps sensible dans la représentation du réel. Dès lors, elle est en charge de la faire tenir telle qu’elle est, pas de la transformer. Ceci parle donc moins de la réalité de la victimisation, que de la configuration de l’espace public, notamment médiatique. Déjà Frank Capra, dans son film Meet John Doe (1941), montrait un magnat de la presse créer de toutes pièces une victime de la crise qui allait donner un second souffle à l’Amérique par ses discours empreints de sincérité et de spontanéité. Mais le héros n’a que peu de marge de manœuvre et d’expression. Et comme il l’a créé, le magnat le renverra dans les affres de l’oubli, le contraignant au suicide pour prouver sa bonne foi et sa sincérité. Le film de Capra pourrait être une allégorie de la position de victime mais, arrivée à la surexposition médiatique, ce n’est pas la manipulation d’un magnat de la presse qui est à craindre, mais les contraintes structurelles d’une position d’énonciation qui n’admet pas de remise en cause du cadre qui la rend possible.

 

Notes de fin

[1] « Le référentiel de l’énoncé forme le lieu, la condition, le champ d’émergence, l’instance de différenciation des individus ou des objets, des états de choses et des relations qui sont mises en jeu par l’énoncé lui-même ; il définit les possibilités d’apparition et de délimitation de ce qui donne à la phrase son sens, à la proposition sa valeur de vérité. » (Foucault, 2008 : 121)

[2] Cet article prolonge et approfondi des éléments de mes travaux de thèse (Mariani, 2012).

[3] Non signé, « Masiva marcha frente al Congreso para pedir seguridad », Clarín du 1er avril 2004. Sauf indication contraire les citations qui suivent sont issues de cet article.

[4] Je fais référence ici à la manière dont Claude Lefort utilise le terme de « sauvages » en rappelant que « la démocratie que nous connaissons s’est instituée par des voies sauvages sous l’effet de revendications qui se sont avérées inmaîtrisable. » (Lefort, 1994 : 26)

[5] Entretien réalisé dans le cadre de mon travail de thèse.

[6] Journal de référence en Argentine, basé à Buenos Aires, conservateur et profondément anti péroniste il existe depuis 1870.

[7] De Vedia (B.), « La verdadera voz de la mayoría silenciosa », La Nación du 2 avril 2004.

[8] Le 21 septembre 2001 l’usine chimique AZF (groupe Total) partie prenante de l’important complexe militaro industriel toulousain explose faisant des dégâts considérables dans la ville.

[9] http://fundacionblumberg.com/ dernière consultation en février 2012 aujourd’hui inaccessible.

[10] Ce parallèle est particulièrement intéressant si on songe à l’épisode des « folles de la Place Vendôme » qui ont essayé d’importer le modèle des mères de la Place de Mai pour dénoncer collectivement la mort de leurs enfants en 1984. Les morts et blessés en relation à une action de police et les mobilisations liées sont une illustration intéressante de problèmes sociaux qui n’arrivent pas à atteindre le statut de problèmes publics. Voir à ce sujet (Abdallah, 2012).


 

Références bibliographiques

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Bernadou Vanessa (2009). « Nestor Kirchner : du président “sans pouvoirs” au “chef hégémonique” ». Critique internationale, vol.43, n°2 : 89–107.

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Pour citer cet article

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An alternative to the mainstream: the coverage of the 1972 U.S. presidential campaign in the magazine Rolling Stone

Une alternative au mainstream: la campagne présidentielle de 1972 dans la revue Rolling Stone

Abstract

The paper analyzes the coverage of the 1972 U.S. presidential campaign in the magazine Rolling Stone. It explores the positioning of the magazine on the alternative-mainstream media spectrum, as well as in the realm of the counter and popular culture. The paper argues that Rolling Stone’s coverage of the 1972 campaign served as an alternative to the mainstream offerings of the era both content-wise and form-wise. It concludes that Rolling Stone’s pivotal decision to get involved into covering political issues back in the 1970s reflects a growing rapprochement between the entertainment industry and politics in the United States.

Keywords: Rolling Stone; U.S. presidential election; the 1972 campaign; gonzo journalism; politics and entertainment.

Résumé

Cet article porte sur la couverture de la campagne présidentielle américaine de 1972 dans la revue Rolling Stone. Il analyse le positionnement de la revue sur le spectre des médias traditionnels et « alternatifs », ainsi que dans le domaine de la contre-culture et de la culture populaire. L'article montre que la couverture de la campagne présidentielle de 1972 par Rolling Stone a servi comme alternative aux offres traditionnelles de l'époque, à la fois du point de vue de la forme et du contenu. Il conclut que la décision de Rolling Stone de s'engager dans la couverture des problèmes politiques dans les années 1970 reflète un rapprochement croissant entre l'industrie du divertissement et les élections présidentielles aux États-Unis.

Mots clés : Rolling Stone; la campagne présidentielle américaine de 1972; le journalisme gonzo; la politisation de l’industrie du divertissement américain.

 

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Elena Sidorova

Doctorante en science politique
Institut d’études politiques de Paris

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An alternative to the mainstream: the coverage of the 1972 U.S. presidential campaign in the magazine Rolling Stone

Introduction

          Contemporary society is a “society of the spectacle” (Debord, 2014: 12). The spectacle is not a mere collection of images, but a sum of interpersonal social relations mediated by images. In a “society of the spectacle”, all existing media can be virtually divided into the “alternative” and “mainstream” ones. The “mainstream” media products are ubiquitous. Due to the growing concentration of media ownership, fewer voices can be heard within the “mainstream” media landscape (Luhmann, 2002). Under such conditions, “alternative” media counterbalance the “mainstream” media monolith. They are decidedly different from the “mainstream” offerings (Atton, 2002). At the same time, the notions of “alternative” and “mainstream” are quite contingent: they are not fixed and are subject to various interpretations (Bailey et al., 2008). This means that the same publication can be classified as “mainstream” or “alternative” within a particular cultural, political and economic context, by a specific group of people and at certain times. A media outlet can, in turn, shift its market positioning by moving from the “alternative” media niche to the “mainstream” one and vice versa.

The U.S. media market is constantly on the move. It has witnessed the emergence of new types of media, ranging from the print press, radio, television to the Internet-based websites and social media. It has also experienced huge ownership transformations, which have led to the recent amalgamation of the U.S. media market, the concentration of media ownership in the hands of a small number of big media corporations, as well as the establishment of multinational media conglomerates (Herman and Chomsky, 1988). Irrespective of how the U.S. media market has been developing over time, all American media have always been virtually divided into the “alternative” and “mainstream” media. “Mainstream” media have created the dominant news discourse in American society. “Alternative” media have tried to diversify the established news feed by presenting counterbalancing arguments and voicing distinct opinions. 

The magazine Rolling Stone has been present on the U.S. media market for more than half a century. Its history is a story about music, journalism, and raging commercial success of the American baby-boom generation. On the one hand, the magazine has prevailed on the U.S. media market due to wise entrepreneurship, dedicated staff and high consumer demand. On the other hand, its triumph could not be possible “without acidheads, anarchists, commune dwellers, social lepers and parentless long-hairs who loved sex, drugs and rock and roll” (Anson, 1981: xv). Although its main focus has always been music, Rolling Stone has covered a lot of other topics. The U.S. presidential election is the most salient, non-entertainment issue that the magazine has been extensively writing about since 1972. The paper seeks to investigate Rolling Stone’s very first U.S. presidential campaign coverage. It argues that Rolling Stone’s coverage of the 1972 campaign represents an “alternative” to the “mainstream” offerings of that era both content-wise and form-wise.

I. Origins of the magazine

          The Rolling Stone magazine was launched in San Francisco in 1967 by a twenty-one-year-old Berkeley dropout Jann Wenner. Before starting up the magazine, Wenner managed to gain some professional experience that would have an enormous impact on Rolling Stone’s future positioning within the U.S. media landscape. Wenner’s early career was based on three distinct pillars: his indirect involvement into the Free Speech Movement that took place during the 1964-65 academic year at Berkeley, his personal acquaintance with the music critic Ralph Gleason, and his brief journalistic career at The Daily Californian, the Berkeley campus paper.

Joining any protest movement of the era did not meet Wenner’s professional expectations (Draper, 1990: 44). That is why he never participated in the Free Speech Movement in Northern California whose aim was to convince the Berkeley administration to allow on-campus political activities and acknowledge the students’ right to free speech and academic freedom. Instead of creating news, Wenner reported it for the NBC radio affiliate. With a press badge, he “could forever be the gadfly, never commit himself or take a stance on anything” (Draper, 1990: 44). At the same time, Wenner wanted to be associated with the Free Speech Movement, because it looked trendy, and almost everyone, including his most intimate friends, participated in it. So, not to fall behind the protesting mass, he accompanied one of the articles he wrote about the Free Speech Movement with a photograph of himself standing behind the podium in a trench coat with a microphone in hand while addressing a massive rally together with Mario Savio, one of the Movement’s leaders. As one of the Movement’s participants pointed out, “Jann Wenner had absolutely no political beliefs whatsoever. He was always a paparazzo in his heart. But Jann was motivated when none of us were. He had focus” (Draper, 1990: 45).

When Wenner made friends with Ralph Gleason, the latter had already been an influential American rock, jazz and pop music critic. In fact, Gleason was the first journalist who initiated regular coverage of rock, jazz and pop music in the U.S. media, reviewing rock, folk, pop and jazz concerts with the same attention as was given to classical music. According to some music critics, “Gleason was old enough to be Jann’s father, but the two had something very much in common: an abiding love for rock and roll” (Draper, 1990: 46). Wenner and Gleason attended folk and rock festivals, shared the same music tastes and had similar views on how music issues should be covered in press. Wenner became a frequent visitor to the Gleason household. Although they had similar music values, visually “they cut a strange couple”: Gleason was a “figure of studied elegance, graying and bespectacled”, whereas Wenner was a “floppy-haired, acid-dropping happy puppy of a young man” (Draper, 1990: 47). Gleason would remain Rolling Stone’s founding editor and one of its main contributors until his death in 1975.

In February 1966, Wenner (under the pseudonym Mr. Jones) was hired by the Berkeley campus paper The Daily Californian to write weekly music columns. In these columns, he wrote about the latest rock music trends, quoted Bob Dylan and the Beatles, suggested the rock concerts worth visiting and discussed the American counterculture of the 1960s. As Wenner’s colleagues noticed, “far more than Gleason or any other Bay Area reporter, Jann subjected the psychedelic scene to enthusiastic community” (Draper, 1990: 48). Indeed, he “was the Man on the Scene, the most reliable music information source around” (Draper, 1990: 48). Wenner’s early journalistic experience is important for two reasons. On the one hand, it shows that the creator of Rolling Stone was not a newcomer to the field of journalism. When launching the magazine, Wenner was familiar with the tastes and demands of his prospective readership. On the other hand, as a student, Wenner extensively wrote about the cultural trends of the 1960s (Guinness, 1994). This explains why Rolling Stone would later be recognized as one of the most reliable sources of information about this landmark decade of cultural, political and economic transformation in the U.S.

Having scraped together $7,500 from his family and friends to start up a new business in San Francisco, Wenner launched Rolling Stone on November 9, 1967. Ever since, it has been produced uninterruptedly every two weeks. Originally, Wenner planned to name his magazine The Electric Newspaper. However, Ralph Gleason “suggested the title of a Muddy Waters song, taken from an old proverb, and in turn borrowed for the name of a famous song and the name of a famous band. Rolling Stone” (Draper, 1990: 61). Such a title choice suggests that Rolling Stone’s creators wanted their magazine to be implicitly associated with American rock music and the 1960s countercultural trends. Due to the fact that “rolling stone(s)” was a quite widely used label bearing particular connotations back then, the audience could easily guess which special features the next cultural product referring to this label could contain. In other words, the choice of such a title implicitly characterized the magazine’s “alternative” media positioning and cultural focus. In future, Rolling Stone would keep its “alternative” media focus for many years, until it would eventually reject it in the late 1980s by entering the “mainstream” media niche. This abrupt change occurred because of Wenner’s decision to keep the youth as the main target audience of the magazine (Nobile, 1981: 16). The 1960s youth were not young anymore and gave up reading Rolling Stone by switching to more serious media. At the same time, the 1980s youth did not know much about the 1960s countercultural trends. Instead, their main interest lay in popular culture. For this reason, starting from the late 1980s, Rolling Stone was no longer the magazine that it had been before, and neither were the people who had read it several decades ago (Anson, 1981: xvii).

II. Rolling Stone as a magazine about the U.S. 1960s countercultural youth

          In the American popular imagination, the 1960s are remembered as a time of widespread social unrest and political upheaval (Braunstein and Doyle, 2002). The torchbearer of this fervent and idealized period was the emergent youth culture that actively rebelled against the social norms of the 1950s. The U.S. 1960s countercultural youth has brought three new issues to the foreground of American politics: the free speech movement, the anti-war movement, and the civil rights movement (Austin and Willard, 1998: 187-204). However politically savvy and active in the socio-political movements the youth was at that time, their cultural ideals relied upon two principles (Gitlin, 1993: 81). Firstly, all young people were supposed to change the world, irrespective of their political preferences. Secondly, they believed that only oppositional forces were capable of driving progress in society. Moreover, the 1960s countercultural youth regarded the Democratic Party as a key supporter of their initiatives and aspirations and associated the Republican Party, in turn, with the conservative, outdated socio-cultural norms of the 1950s. The Democrats’ endorsement of the 1960s youth protest movements explains why the young people of that era were their most loyal electorate (Shea and Green, 2007: Section II). Rolling Stone was not an exception either: it positioned itself as a magazine writing about the U.S. 1960s countercultural issues whose main target audience were young people. From an ideological point of view, Rolling Stone has been pro-Democratic from its creation onwards and remains so even today. As The New York Times has recently noted, Rolling Stone has always been “a bastion of liberal ideology” and “a required stop for Democratic presidential candidates” (Ember, 2017).

The decision to cover politics in Rolling Stone was not imminent. Initially, Rolling Stone was a magazine exclusively about rock music. The readers trusted Rolling Stone’s rock-and-roll coverage because the magazine managed to understand exactly how important this new music genre and the respective cultural milieu really were. If other American rock and roll magazines either trivialized rock and roll (e.g. Ramparts), put it on high with the utterances of Plato and Aristotle (e.g. Crawdaddy!), or ignored it (the mainstream press), Rolling Stone simply wrote about it. A truly revolutionary idea that stands behind Wenner’s magazine is that Rolling Stone did not define or deify rock and roll, but covered it. Rolling Stone’s journalists interviewed rock stars as seriously and comprehensively as the Time reporters interviewed American top-ranked politicians or businessmen. Rolling Stone made rock music worthy of analysis and rock stars notable news figures (McMillian, 2011). At the end of 1969, the magazine was recognized as the most authoritative rock and roll magazine in the U.S.A. It became a generation’s trustworthy and blunt voice. For example, the “mainstream” journalists named them “hippies”, whereas Richard Nixon called them “bums” (Draper, 1990: 6).

Witnessing the success of the rock music coverage, Wenner decided to gradually expand the thematic scope of his magazine. As the 1960s countercultural youth was Rolling Stone’s main readership at that moment, Wenner began covering some broader issues that were of general interest to his potential readers. These issues included, among others, hippie lifestyle, sexual revolutions, environmentalism, gay rights, free speech, anti-war and anti-nuclear rhetoric. At the same time, Rolling Stone never wrote about feminism and was reluctant to write about race. Such a selective approach to the choice of topics to be covered in the magazine demonstrates that Rolling Stone balanced towards its consumers’ preferences, instead of defending the ideals of the 1960s social protest movements. Despite its adherence to the “alternative” media niche, Rolling Stone never was an “underground” media outlet. The magazine never existed outside the media market: it never rejected financial contributions or advertisement placements, and it extensively cooperated with the well-established music recording companies to promote specific rock musicians and their songs on its pages (Strausbaugh, 2001: 133). Wenner monitored the thematic preferences of Rolling Stone’s readers and selected only the issues that were on high demand among his target audience. Thus, with the aim to further enlarge its circulation and generate more commercial profit, Rolling Stone initiated the extensive coverage of the 1972 U.S. presidential election.

III. What did Rolling Stone write about the 1972 presidential campaign?

          In late 1971, Rolling Stone’s board organized a staff meeting at the Esalen Institute in California (a non-profit center that promotes alternative humanistic education) to discuss the possibility of covering the 1972 U.S. presidential campaign (Whitmer, 1993: 187). Since the magazine had not reported on the U.S. presidential election in any significant depth before, many staff members were reluctant to devote the resources necessary to offer the full-scale coverage of a nationwide election. Ultimately, Rolling Stone decided to invest both money and human resources in the presidential campaign coverage, because, as Wenner noted then, “politics […] will be the rock and roll of the Seventies” (Anson, 1981: 186). Most probably, Wenner came to such a conclusion under the influence of Elvis Presley’s visit to the White House on December 21, 1970, which marked the historic moment when “culture and politics collided” (CNN, 2015). Why did Rolling Stone decide to cover U.S. presidential election? We suggest that the ratification of the 26th Amendment to the U.S. Constitution on July 1, 1971, ultimately turned the magazine’s decision in favor of the presidential campaign coverage. This amendment lowered the voting age from 21 to 18 years old (May and Frase, 1973). As the youth was Rolling Stone’s key readership, Wenner assumed that the topic of presidential election might be interesting for the ones who were supposed to participate in the U.S. presidential election as voters for the first time in their lives. With this in mind, the magazine aimed to serve as a first-hand source of information about the 1972 presidential campaign for the “countercultural” and “against-the-mainstream” part of this new young American electorate.

Like any U.S. presidential campaign, the 1972 campaign was covered in various U.S. media. The print press and television were the prevailing media channels through which the information was transmitted to the public (Perry, 1973). Television used film to cover the campaign. Film required developing and editing. It greatly limited television reporters, who had to “go everywhere chained to a human ball and chain, which consisted of a cameraman, a sound man, a lighting man, and sometimes a producer as well” (Crouse, 1976: 153). After shooting their stories, television reporters had to find a nearby television studio to edit the film and transmit it to New York (Kendall, 2000: 162). According to Rick Stearns, who was a deputy campaign manager for George McGovern, the expense and the onerous process of moving media equipment had a direct effect on the nature of the 1972 presidential campaign media coverage. He claimed that television reporters preferred to “start in the East and move slowly across the country to the West and then fly it all back to New York from Los Angeles” so that the natural progression of primaries “would run from New Hampshire out to Wisconsin to Nebraska to Oregon and finally down to California and back to New York” (May and Fraser, 1973: 97). In addition, television had a heavy interpretive role in the 1972 campaign (Asher, 1997). It manipulated the viewers’ political preferences in a variety of ways. For example, a CBS news commentator Eric Severeid interpreted the New Hampshire and Florida Democratic primaries results in the following way: “In New Hampshire, Muskie won but lost, while McGovern lost but won; in Florida, Muskie lost but lost, McGovern lost but lost, Humphrey lost but won, and Wallace won but won” (Kendall, 2000: 162). This particular case demonstrates that the television reporter did not announce the strictly numerical results of the primaries, but rather played with the words. Despite the growing popularity of television, the print press still mattered. Americans trusted the print press coverage more than television. They treated the print press as a traditional medium and television as a new and not yet explored medium. Print reporters were still at the top of the media hierarchy. They did not take seriously anyone “whose daily output lasted for two minutes” (Crouse, 1976: 151). The mainstream U.S. press was very influential during the 1972 campaign. Once a story hit The New York Times or The Washington Post, it was seen as certified news and could not be ignored (Hess, 1974). The “alternative” press was not extensively writing on the issue of presidential campaign. The majority of the “alternative” press at that time was more concerned with the “underground” political issues, which were either radical in nature or oppositional to the values of the existing American political establishment (McMillian, 2011). Consequently, Rolling Stone did not experience much of competition within the “alternative” media niche, when writing about the 1972 campaign.

Rolling Stone’s 1972 presidential campaign coverage was provided by two reporters: Hunter S. Thompson and Timothy Crouse. Thompson had become a contributing author to Rolling Stone in 1970. He gained most of his fame with the “Fear and Loathing in Las Vegas” collection of articles that Rolling Stone published in installments in 1971. In Thompson’s words, he decided to cover the 1972 campaign for Rolling Stone, because he wanted to “learn as much as possible about the mechanics and realities” of a presidential campaign, and he intended to write about it in the same way he would write about anything else, “as close to the bone” as he could get, and “to hell with the consequences” (Thompson, 2012: 4). Crouse had been writing music columns for Rolling Stone since 1971. In comparison to Thompson, Crouse’s contribution to the campaign coverage was quite modest because of the disagreements with Wenner, who wanted a more prominent and visible journalist to do most of the reporting with the purpose of drawing the readers’ attention to a new issue covered in the magazine. By and large, Thompson and Crouse's coverage of the 1972 campaign aimed at showing that Rolling Stone’s reporters saw their work as distinct from the political reporting done by the “mainstream” media of the era. The magazine’s “alternative” reporting on the campaign centered around two pillars.

A direct attack on the “mainstream” media is the first pillar of Rolling Stone’s 1972 campaign coverage. Thompson and Crouse criticized “pack” (i.e. mainstream) journalism for its uniformity of news coverage and lack of original thought and initiative. In issue 119 (October 12, 1972), Crouse suggested that during presidential campaigns the independent newsgathering function of reporters was replaced with a communal reliance on official sources and conventional wisdom. He claimed that “mainstream” political reporters generally followed one candidate for the entire election cycle. According to Crouse, all “mainstream” stories came “from the same handout, the same pool report, or the same speech by the candidate”, and the “pack” dynamic insured that almost all reporters were about to “take the same approach to the story” (Crouse, 1972d: 48). Thompson, in contrast, did not directly use the term “pack journalism”, but he implicitly meant it, when he described “what a downer it was” to return from reporting trips and try to catch up with the political coverage in major U.S. newspapers. In issue 103 (March 2, 1972) in particular, Thompson wrote that “the [Washington] Post will have a story about Muskie making a speech in Iowa. The [Washington] Star will say the same thing, and the [Wall Street] Journal will say nothing at all” (Thompson, 1972f: 12).

One of the brightest examples of the attack on “pack” journalism was given by both Crouse and Thompson, when they covered the Democratic Party Convention that took place on July 10-13, 1972, in Florida and was to announce who would become the presidential nominee for the Democratic Party in the upcoming election. The Democratic campaign was very tense: a lot of candidates (including George McGovern, Hubert Humphrey, George Wallace, Edmund Muskie, Henry Jackson, and Shirley Chisholm) participated in the primaries, and it was not clear who would win the nomination. In issue 115 (August 17, 1972), Thompson claimed that “less than a dozen of the five thousand media sleuths accredited to the convention knew exactly what was happening, at the time” (Thompson, 1972e: 35). In the same issue, Thompson quoted the words of McGovern’s strategist Rick Stearns, who admitted that The New York Times reporter Johnny Apple wanted to file a story about the victorious vote for McGovern, but editor Abe Rosenthal refused to run the story, because legendary CBS reporter Walter Cronkite had already reported that the vote was a major defeat for McGovern. Thus, a regular reporter of The New York Times was overruled by his editor due to the fact that his version of events about the Democratic Convention in Florida contradicted the one provided by an even more high-profile CBS presenter. 

In issue 119 (October 12, 1972), Crouse suggested that “pack” journalism was a condition that caused much of American political journalism to be “shallow, obvious, pointless and boring beyond description” (Crouse, 1972d: 48-49). In his opinion, the “pack” mentality stopped reporters from looking for interesting and revealing information about the candidates and encouraged them to match their reporting with one another. Thompson shared Crouse’s opinion and claimed that “mainstream” reporting had an element of self-censorship. In issue 108 (May 11, 1972), when discussing Muskie’s failing primary campaign, he stated that “in recent weeks the truth has been so painful that some journalists have gone out of their way to give the poor bastards a break and not flay them in print any more than absolutely necessary” (Thompson, 1972c: 32). Crouse and Thompson believed that “pack” journalism was a dangerous practice that diminished the value of political reporting. They assumed that their status outside of the “mainstream” media would protect them from the “pack” mentality.

The presentation of the “out-of-the-mainstream” news about the presidential campaign is the second pillar of Rolling Stone’s 1972 campaign coverage. The 1972 election is famous for the landslide victory (96.7% to 3.2% in electoral vote) of Republican candidate Richard Nixon who ran for re-election. As political journalist Theodore White famously noted, “the outcome of the election was never in doubt” (White, 2010: 218). Despite high probability of Nixon’s success, Rolling Stone, nevertheless, did not endorse this presidential nominee, because the magazine did not share any of the Republican political values. In fact, Rolling Stone covered the Republican Party campaign only twice – in issues 104 (March 16, 1972) and 118 (September 28, 1972) – reporting on the beginning and the end of the campaign. Although the magazine had a clear pro-Democratic bias, Rolling Stone’s reporters were not neutral in reporting on all Democratic presidential candidates. Instead, they endorsed one specific candidate: George McGovern. In issue 99 (January 6, 1972), Thompson wrote: “George McGovern, the only candidate in either party worth voting for is hung in a frustration limbo created mainly by the gross cynicism of the Washington Press Corps” (Thompson, 1972g: 6). The support for McGovern’s candidacy continued in Thompson’s account of the New Hampshire Democratic primary. In issue 103 (March 2, 1972), he stated that “career pols and press wizards say that he simply lacks charisma, but that’s a cheap and simplistic idea that is more an insult to the electorate than to McGovern...” (Thompson, 1972f: 8). Crouse echoed his colleague. When writing about the New Hampshire Democratic primary in issue 104 (March 16, 1972), he characterized McGovern as “a man of conscience”, who opposed the Vietnam War in the Senate and opened his campaign finance books to the public (Crouse, 1972c: 11).

Besides McGovern, other Democratic candidates did not receive Rolling Stone’s favorable treatment during the 1972 Democratic campaign. Hubert Humphrey, for example, was presented as an extremely negative candidate. In issue 106 (April 13, 1972), Thompson described him as a “treacherous, gutless old ward-heeler who should be put in a goddamn bottle and sent out with the Japanese Current” (Thompson, 1972d: 14). Another Democratic candidate, Edmund Muskie, was heavily criticized by Rolling Stone as well. In issue 101 (February 3, 1972), Thompson claimed that Muskie was “a bonehead who steals his best lines from Nixon” (Thompson, 1972h: 10). Crouse also shared a low opinion of Muskie. In issue 104 (March 16, 1972), he wrote that “nothing about Muskie explains, in one flash, why people should vote for him... Like Nixon in ‘68, Muskie lacks any real reason for running” (Crouse, 1972c: 11). Humphrey and Muskie’s competitor within the Democratic Party, George Wallace, was presented in Rolling Stone in a slightly more positive way. Thompson and Crouse expressed a certain respect for Wallace, but drastically disagreed with his political platform. At the Wisconsin Democratic primary, Thompson praised Wallace’s ability to speak vividly. In issue 107 (April 27, 1972), he wrote: “I had a sense that the bastard had somehow levitated himself and was hovering over us... Anybody who doubts the Wallace appeal should go out and catch his act sometime” (Thompson, 1972i: 12). Nevertheless, Rolling Stone’s overall tone around Wallace’s candidacy remained rather negative. It is important to highlight that the magazine did not report on all Democratic candidates. For example, it absolutely ignored the female Democrats who also participated in the campaign, like Shirley Chisholm (the first Afro-American woman to run for the presidential nomination) and Patsy Mink (the first Asian-American woman to run for the presidential nomination).

Why did Rolling Stone endorse George McGovern and either criticize or ignore other Democratic nominees? Rolling Stone’s early enthusiasm for McGovern combined with “a profound distaste for the dominant current of political analysis” (Hemauer, 1998) reflected the desire of the magazine to be a mouthpiece of the New Left – an anti-establishment protest movement of the countercultural youth (Gosse, 2005). The movement thought to implement a broad range of reforms on issues such as gay rights, abortion, gender and race equality, and looser drugs control. Since many of Rolling Stone’s readers were huge supporters of the New Left ideology, the magazine had to look for the candidate who was closest to it (Atkin, 1995: 185). Rolling Stone purposefully presented McGovern as a New Left candidate, because its readership with a countercultural background would have unlikely accepted a fully “mainstream” presidential nominee. However, McGovern never belonged to the New Left movement, mainly because the movement was against the current U.S. political establishment, and McGovern was part of that established political system. Nevertheless, his political platform had some things in common with the movement’s political tasks and ideals, which made him different from other Democratic candidates. For example, he favored the withdrawal of U.S. troops from Vietnam, supported race and gender equality, and spoke for lesser penalties for light drugs. There were three constituencies that had “especial saliency” at the 1972 election – blacks, “women of the fevered brow”, and the left-wing youth movement. McGovern was the only candidate who “favored them all” (Tyrrell, 2011: 74). In issue 113 (July 20, 1972), Thompson summarized McGovern's win in the New York Democratic primary by saying that “McGovern’s people kicked out the jams. They stomped every hack, ward-heeler and old-line party boss from Buffalo to Brooklyn” (Thompson, 1972b: 22). The accidental liaison between McGovern and the New Left protest movement intentionally created by Rolling Stone’s reporters demonstrates the unwillingness of the magazine to move out of the conventional U.S. political system. On the contrary, it shows the magazine’s aptitude to incorporate some “system-friendly” external elements to the existing American political establishment. In such a way, Rolling Stone should not be regarded as an “alternative” to the 1970s media politics that promoted synergy between mass media and political elites (Oswald, 2009: 385), but rather as one of “alternatives” within it.

IV. How did Rolling Stone report about the 1972 presidential campaign?

          Alongside with understanding what Rolling Stone wrote about the 1972 campaign, it is necessary to consider how the magazine did it. Opposed to the traditional norms of “mainstream” journalism (also known as “pack’” journalism), Thompson and Crouse presented their campaign coverage in the style of “gonzo” journalism (Dunn, 2007: 36). “Gonzo” style draws upon fictional techniques to describe non-fictional situations. It regards a reporter's subjective, hands-on experience in the event to be covered as central to the coverage. In addition, “gonzo” journalism privileges participation over observation and style over substance. It favors the use of stylistic devices, such as hyperbole, exaggeration, profanity, extended first-person narrative, and satire. It also allows the incorporation of snatches of dialogue, transcripts, and unfinished notes in the text of reportage (Wolfe, 1973). In Thompson’s words, he himself could afford “gonzo” journalism because, unlike most other mainstream reporters, he was on the campaign trail only for a year, and the last thing he “cared about was establishing long-term connections on Capitol Hill” (Thompson, 2012: 17-18). In his report on the Nebraska and Ohio Democratic primaries, which Rolling Stone published in issue 110 (June 8, 1972), Thompson repeated the word “I” 150 times. Crouse, in turn, when writing about the New Hampshire Democratic primary in issue 104 (March 16, 1972), repeated the word “I” 61 times. These examples clearly demonstrate that Rolling Stone’s reporters were not passive observers of the campaign, but they took an active part in it. For them it was important not only to report on the event, but also to express their own opinion and show their political engagement.

Furthermore, Rolling Stone’s “gonzo” reporting incorporated a number of “external” elements, such as third-person quotations, parts of dialogues, back thoughts, personal notes, and citations. For instance, in the above-mentioned report on the Nebraska and Ohio Democratic primaries, Thompson cited the lyrics of “The Hound and the Whore” chorus song, which he heard at the Hilton hotel where the event took place. After citing the lyrics of the song, Thompson added that it was “a very frightening song under any circumstances – but especially frightening if you happen to be a politician running for very high stakes and you know the people singing that song are not on your side” (Thompson, 1972a: 36). In the same report, Thompson referred to Robert Kennedy’s quote (“My next job – after getting my brother elected President of the United States – will be the political destruction of Hubert Humphrey”) and Senator Abraham Ribicoff’s quote (“I predict regretfully that you in California will see one of the dirtiest campaigns in the history of this state – and you have had some of the dirtiest”) without explaining them at all (Thompson, 1972a: 37). The quotes appeared in the middle of the text and did not contextually refer to any sentence or fit any passage of Thompson’s article. In fact, Thompson’s account of the Nebraska and Ohio Democratic primaries was not just an article or a report, but it was a mixture of a coherent text, direct speech, and personal notes. At some point, Thompson interrupted his report claiming that “we were forced to switch the narrative into the straight Gonzo mode. The rest of the Ohio section comes straight out of the notebook, for good or ill” (Thompson, 1972a: 38). This change in the narrative style was quite logical: Thompson switched his notes to change the topic from the Nebraska Democratic primary to the one held in Ohio. By and large, Rolling Stone’s 1972 campaign coverage was the first application in practice of “gonzo” journalism for the purposes of political reporting. Before Thompson and Crouse, nobody had covered U.S. presidential election or any other political issue in such a stylistic form, which allows us to characterize Rolling Stone’s reporters as trailblazers of “alternative” political writing.

While introducing the principles of “gonzo” journalism in their 1972 campaign coverage, Rolling Stone’s reporters also managed to highlight the shortcomings of some typical journalistic fallacies of the era, such as, primarily, objectivity (Perry, 1973). In issue 101 (February 3, 1972), Thompson argued against the very possibility of journalistic objectivity, claiming that the only thing he ever saw that “came close to Objective Journalism was a closed-circuit TV setup that watched shoplifters in the General Store at Woody Creek, Colorado … So much for Objective Journalism” (Thompson, 1972h: 10). Apart from rejecting objectivity in their own reporting, Thompson and Crouse demonstrated that journalistic objectivity was a rare practice in journalism in general. In issue 115 (August 17, 1972), when reporting on how Humphrey was preparing to bow out of the Democratic race, Crouse noticed that the “press did not actually hate Humphrey, it was more that they felt sorry for him, and since they don’t like to feel sorry for anyone, they wished that he would go away” (Crouse, 1972a: 40). Looking back at the final days of the Democratic campaign, Crouse claimed in issue 123 (December 7, 1972) that “the traveling reporters, who like all cynical people were also deeply sentimental, felt terrible for the McG[overn] staffers whom they had come to love” (Crouse, 1972b: 24). On the whole, Rolling Stone’s reporters denied the principle of journalistic objectivity and did not hide their personal sympathy or apathy for certain presidential candidates. In this respect, Thompson and Crouse were “alternative” to the “mainstream” media outlets that pretended to follow the norms of journalistic objectivity.

Conclusion

          All in all, Rolling Stone’s coverage of the 1972 U.S. presidential campaign was an “alternative” to the “mainstream” offerings of the era. In terms of the contents of reporting, the magazine attacked “pack” journalism, which was a typical reporting style of the 1970s “mainstream” press, and provided news about the campaign under a specific angle – through endorsing one particular candidate, George McGovern. In terms of the form of reporting, Rolling Stone’s campaign coverage denied the principle of journalistic objectivity and introduced the “gonzo” journalistic style as another way to report on the U.S. presidential election. Although providing “alternative” campaign coverage, Rolling Stone did not mean to subvert either the U.S. political system or the American media market. Instead, it associated itself with liberal political values as expressed through the ideological platform of the Democratic Party.

The main reason why Rolling Stone decided to try its hand in writing about the election was the desire to attract more readership and make more profit. Indeed, the coverage of the 1972 U.S. presidential campaign marked the first commercial success for Rolling Stone. In 1973, the magazine began to make profit. In 1974, its annual circulation reached 325,000 copies, 80% of its readers being younger than 25 years old (Vaughn, 2008: 456). In contrast, out of the 40,000 copies printed as issue 1 in November 1967, 34,000 were returned unsold (Draper, 1990: 70), whereas the annual circulation of the magazine in 1968 equaled 6,000 copies, skyrocketing to 100,000 in 1969 (Draper, 1990: 94). In 1980, eight years after the introduction of the topic of presidential election to the magazine, Rolling Stone reached a 700,000 plus circulation (out of which 440,000 issues were sold through subscription and 290,000 at the newsstand). The magazine liberated itself from external debts. Its annual sales reached $22 million. In 1989, Rolling Stone’s parent company Straight Arrow Publishers Inc. was worth about $250 million, which was over 30,000 times its original value (Draper, 1990: 6). In 2016, Rolling Stone’s annual total intra-American circulation amounted to 1,459,154 copies, out of which 95% (or 1,385,800 copies) were sold through subscription and only 5% (or 73,354 copies) at the newsstand. A full-page four-color advertisement was worth $233,270, whereas advertisements placed on the second cover were worth $291,590 each. The median age of the magazine’s readership was 35 years old. Its race and gender composition, however, was not balanced: males prevailed over females in the proportion of 62% to 38%, and Whites (74%) dominated over other ethnic groups, such as Blacks (15%), Hispanics (15%), and Asians (2%) (Alliance for Audited Media). Rolling Stone’s most recent commercial success would never have been possible without its very first profit generated through the coverage of the 1972 campaign.

Last but not least, Rolling Stone’s coverage of the 1972 U.S. presidential campaign gave the magazine a unique opportunity to establish a permanent link with the U.S. political realm. It also put an end to Rolling Stone’s reputation of a media outlet providing media coverage exclusively about rock music. Taking a strategic decision to write about the presidential election enabled Rolling Stone to “trick-or-treat” its rather narrow cultural focus to the national fame and wide recognition, which explains why the magazine could not remain an “alternative” to the “mainstream” for a long time. Rolling Stone’s involvement in writing about the 1972 U.S. presidential election analyzed in this paper reflects a growing rapprochement between American entertainment industry and U.S. politics since the second half of the twentieth century. On the one hand, it confirms the tendency that the distinction between news and entertainment media gradually diminishes: both type of media “spin political reality into fantasy and melodrama, at the expense of facts” (Jackson, 2009: 2). On the other hand, it demonstrates a possibility that entertainment media may influence people’s political beliefs and simultaneously derive “star status” of some high-profile politician from his or her participation in the entertainment industry, thus creating hybrid cultural-political identities in the era of “critical transculturalism” (Kraidy, 2005: 148).

 

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Pour citer cet article

Elena Sidorova, "An alternative to the mainstream: the coverage of the 1972 U.S. presidential campaign in the magazine Rolling Stone"RITA [en ligne], n°11 : juillet 2018, mis en ligne le 16  juillet 2018. Disponible en ligne  http://revue-rita.com/dossier-11/an-alternative-to-the-mainstream-the-coverage-of-the-1972-u-s-presidential-campaign-in-the-magazine-rolling-stone-elena-sidorova.html

Telenovela y (re) producción del poder en la crisis del socialismo en Cuba (1990- 1999)

Feuilleton télévisé et (re)production du pouvoir pendant la crise du socialisme à Cuba (1990-1999)

Resumen

Este artículo toma como base un trabajo de investigación doctoral, centrado en el análisis de la telenovela en cuanto práctica discursiva que participó activamente en la producción y reproducción de la ideología de la revolución cubana en el contexto de la última década del pasado siglo. A partir de una concepción crítica de la ideología, entendida como “significado al servicio del poder” (Thompson, 1998: XVI) me propuse recuperar a la telenovela— ese producto aparentemente evasivo y despolitizado— como objeto de estudio crítico y político, y mostrar cómo los significados movilizados en ellas intervinieron en la construcción y el sostenimiento de relaciones de poder, en el marco de las difíciles condiciones económicas, sociales, y políticas en el contexto del denominado Periodo Especial cubano. Las preguntas concretas que orientaron la investigación son las siguientes: ¿Qué regularidades discursivas se observan en la telenovela producida en Cuba entre 1990 y 1999? ¿Qué estrategias de construcción simbólica de la ideología se evidencian en las telenovelas cubanas producidas durante este periodo de crisis?

Palabras clave: Telenovela cubana; Ideología; Poder; Discurso; Periodo Especial.

Résumé

Cet article est basé sur le travail de recherche doctoral portant sur l'analyse du feuilleton télévisé (telenovela) en tant que pratique discursive active dans la production et reproduction de l'idéologie de la Révolution cubaine dans le contexte de la dernière décennie du XXème siècle. Partant d'une conception critique de l'idéologie, entendue comme « signification au service du pouvoir » (Thompson, 1998: XVI) j'ai décidé de récupérer le feuilleton télévisé — apparamment évasif et dépolitisé— comme objet d’étude critique et politique, dans le but de montrer la façon dont les significations mobilisées ont été impliquées dans la construction et le maintien des relations de pouvoir dans le contexte des conditions économiques, sociales et politiques difficiles de ce que l'on appelle Periodo Especial Cubano. Les questions spécifiques qui ont guidé la recherche sont les suivantes : Quelles régularités discursives sont observées dans le feuilleton télévisé produit à Cuba entre 1990 et 1999 ? Quelles stratégies de construction symbolique de l'idéologie sont évidentes dans les feuilletons télévisés cubains produits pendant cette période de crise ? 

Mots clés: Feuilleton cubain; Idéologie; Pouvoir; Discours; Période spéciale.

 

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Janny Amaya Trujillo

Doctora en Ciencias Sociales
Sistema de Universidad Virtual, Universidad de Guadalajara, México

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Telenovela y (re) producción del poder en la crisis del socialismo en Cuba (1990- 1999)

Introducción

          Este artículo toma como base mi trabajo de investigación doctoral, centrado en el análisis de la telenovela en cuanto práctica discursiva que participó activamente en la producción y reproducción de la ideología de la revolución cubana en el contexto de la última década del pasado siglo. A partir de una concepción crítica de la ideología, me propuse recuperar a la telenovela — ese producto aparentemente evasivo y despolitizado — como objeto de estudio crítico y político, y mostrar cómo los significados movilizados en ellas intervinieron en la construcción y el sostenimiento de relaciones de poder, en el marco de las difíciles condiciones económicas, sociales, y políticas en el contexto del denominado Periodo Especial cubano.

Cuba cuenta con una larga tradición melodramática — que se remonta a las décadas iniciales del desarrollo de la radiodifusión en la Isla — cuya influencia fue decisiva en la conformación de un canon básico del género telenovela en América Latina (Martín Barbero y Muñoz, 1993; Mazziotti, 1996). Sin embargo, a partir de 1959, la producción de telenovelas en ese país tomó derroteros diferentes de los adoptados en el resto del continente.

La llegada de la Revolución al poder marcó una transformación radical en todos los órdenes de la vida nacional, que modificó sustantivamente las orientaciones sociales, políticas y económicas de la televisión. A las medidas adoptadas por el nuevo régimen en el ámbito económico, político e institucional, se añadiría el reto de construir un universo simbólico renovado y la aspiración de trasnformar la cultura política (Bobes, 2000: 85). En este empeño, los medios de comunicación asumirían un rol central, articulado y dirigido desde el propio gobierno revolucionario.

En 1960 se inició un proceso de estatalización de los medios de comunicación que, para el año siguiente, pasaron a estar “enteramente en manos del Estado revolucionario” (Muñoz y Nápoles, 2005). En 1962 se creó el Instituto Cubano de Radiodifusión (ICR), como organismo dependiente del Consejo de Ministros. En la práctica, la institución “tenía como tarea central, y así la asumió, una redefinición de los nuevos conceptos que debían aplicarse a escala del país en materia de programación, orientados por la dirección de la revolución” (Bracero, 2007: 167)[1].

Las nuevas orientaciones político-culturales del medio supusieron también una modificación importante en la producción de telenovelas. Aunque persistiría el uso de algunos de los recursos melodramáticos tradicionales, la telenovela cubana se distinguió por el desarrollo de contenidos y temáticas centradas en la formación político-ideológica, y en la adopción de una estética apegada a los cánones del realismo socialista.

Los estudios muestran el alto consumo de este producto en la población cubana a lo largo de varias décadas. No obstante, fue en la década de los 90 del pasado siglo que la telenovela producida en Cuba alcanzó una consolidación definitiva y se posicionó en los primeros lugares de preferencia de la teleaudiencia nacional (Alonso, 1998)[2]. Paradójicamente, esta consolidación se produjo en el contexto de una de las mayores crisis que en el orden económico, político, social e institucional ha debido enfrentar el sistema sociopolítico cubano en más de medio siglo de existencia: el denominado Periodo Especial[3].

La caída del campo socialista, el recrudecimiento del bloqueo económico, la agudización — hasta límites extremos — de las limitaciones en el orden material y económico, el incremento de la desigualdad social, así como conflictos migratorios de gran envergadura, pondrían en entredicho, durante estos años, la viabilidad del modelo social vigente. Uno de los efectos más significativos de esta crisis y sus transformaciones sería la erosión de “las motivaciones y los valores socialistas, generando un desarme ideológico desde la vida cotidiana, sutil, ajeno a la virulencia y las definiciones de los enfrentamientos políticos, pero a la larga más peligroso que estos para la vigencia del socialismo” (Martínez, 2001: 34).

La reducción de las alternativas de consumo cultural de la población propiciaron que la televisión se entronizara como uno de los principales organizadores de las dinámicas de consumo cultural en Cuba. Un estudio sobre este tema, realizado a escala nacional en 1998 mostraba que ver televisión era la práctica más común entre los cubanos (87.5% de los encuestados) (Rivero, 2002). La cifra de televidentes que consumían diariamente la televisión se incrementó en casi 20% con respecto a la década de los años 80 (Fraga y Díaz, 1998 en Alonso, 1999: 92).

El hecho de que la telenovela — y particularmente, la telenovela de producción nacional — se convirtiese en una práctica cultural central para millones de cubanos y que, además, esta entronización se produjese en medio de una crisis económica, política, y social profunda, me condujeron a cuestionar los vínculos, las posibles relaciones entre estos discursos televisivos melodramáticos y la (re)producción del poder político.

Las preguntas concretas que orientaron la investigación son las siguientes: ¿Qué regularidades discursivas se observan en la telenovela producida y exhibida en Cuba entre 1990 y 1999? ¿Qué estrategias de construcción simbólica de la ideología se evidencian en las telenovelas cubanas producidas durante este periodo de crisis? Metodológicamente, el trabajo se basa en el análisis de las telenovelas de producción nacional exhibidas en Cuba entre 1990 y 1999. Este análisis me permitió delimitar cuatro tipologías en las cuales es posible distinguir diversas estrategias de operación simbólica de la ideología en las telenovelas.

I.   Telenovela, ideología y poder. Marco teórico-metodológico

          Al retomar la pregunta por la ideología en este trabajo recupero el concepto desde la reconstrucción crítica que ha propuesto J. B. Thompson; esto es, como aquellas “formas en que el significado sirve, en circunstancias particulares, para establecer y sostener relaciones de poder sistemáticamente asimétricas” (1998: XVI). Lo que permite rescatar esta propuesta teórica es la especificidad de la ideología dentro del marco más amplio del proceso social de producción de significados y emplazar su estudio en el contexto de una cultura mediatizada.

Para vincular el estudio de la ideología con el examen de la producción de significados en el discurso, me adscribo a un enfoque construccionista del lenguaje y la producción de sentidos. Desde este enfoque, el significado es siempre producido en el discurso a través de determinadas prácticas de representación: la significación es producto del trabajo de la representación, que opera como mediación entre el mundo material y el mundo con sentido (Hall, 2010), y el poder se ejerce en el discurso a través de la producción de saberes y verdades (Foucault, 1968).

Asumo entonces que la telenovela, en tanto práctica discursiva, puede ser un lugar de ejercicio del poder en la medida en que puede producir saber — esto es, conocimiento, significado —, y construir verdades — significados aceptados como legítimos — sobre determinados objetos y dominios de la vida social. Pero si lo hace, es a partir de una episteme melodramática que funciona no sólo como estrategia de enunciación, sino como principio de organización del sentido y legibilidad de la experiencia. Recupero en este sentido las propuestas de autores como Brooks (1976, 1995), Martín Barbero (1991), Herlinghaus (2002) y Dorcé (2005) para avanzar desde la conceptualización del melodrama no sólo como género o conjunto de géneros, sino como episteme; esto es, como principio de ordenación y de significación.

Como recurso metodológico, retomo la noción de paisaje ficcional o fictionscape (Buonanno, 2002). La noción de “paisaje” tal y como ha sido desarrollada en la obra de Arjun Appadurai (1990), permite distinguir distintos planos o dimensiones centrales en las dinámicas de la globalización. Los paisajes son “constructos”, resultado de una perspectiva y de un punto de observación histórica y políticamente situado. Se trata de “los bloques elementales” con los que se construyen “los mundos imaginados, es decir, los múltiples mundos que son producto de la imaginación históricamente situada de personas y grupos” (Appadurai, 2001: 8).

Retomando esta perspectiva, Buonnano propone entender el fictionscape como “el paisaje imaginario determinado y desplegado por el conjunto de historias de ficción ofrecidas y disponibles en un determinado periodo de tiempo” (2002: 77). Lo que esta noción sugiere es que es posible realizar un recorte temporal dentro del conjunto de la ficción televisiva producida o exhibida en un país, en un tiempo determinado y analizar “las partes del país, del territorio, de la sociedad que las historias de la ficción han representado para el público televisivo" (Buonanno, 2002: 78).

El análisis del fictionscape facilitó la identificación de las regularidades discursivas emergentes en los melodramas televisivos cubanos: identificar el repertorio de los objetos y sujetos construidos, el tipo general de organización de estos discursos, así como sus elecciones temáticas. El periodo de análisis delimitado abarcó desde noviembre de 1990 hasta diciembre de 1999. El universo de análisis abarcó la ficción televisiva producida y exhibida en Cuba durante la década de 1990 en el espacio estelar dedicado a la telenovela cubana (en total, 26 títulos).

El corpus de análisis estuvo conformado por los primeros 10 y los últimos 5 capítulos de dichas telenovelas, considerando que ellos constituyen los momentos de planteamiento y resolución de las tramas.

Para la definición de los criterios de análisis recuperé algunos principios para el análisis de la materia de la representación, propuesto por Martín Barbero (en Martín Barbero y Muñoz 1992), y algunos de los presupuestos para el análisis de la ideología (Van Dijk, 2008). De la propuesta de Martín Barbero retomo el estudio de la materia de la representación en las telenovelas, como : temas y objetos centrales y actores sociales representados. Además, recupero de Van Dijk (2008) algunos criterios para el análisis de la estructuración interna de los discursos ideológicos como proposiciones valorativas que suelen organizarse a partir de la definición de criterios de inclusión y exclusión: las propiedades autodefinidas de identidad y pertenencia, los roles y objetivos que definen a los grupos y actores sociales representados y las normas y valores atribuidos a éstos.

Dadas las características de la producción cubana de esos años — y como aspecto que emergió como relevante durante el propio proceso de análisis — incluí también la época de la ficción y el uso de la historia en las ficciones de época como dimensiones complementarias. Por último, procuré también identificar las estrategias típicas de construcción de la ideología (Thompson, 1998) en el discurso de las telenovelas. A partir de dichos referentes se sintetizaron entonces los siguientes criterios:

  • Objetos y temáticas construidas
  • Anclaje temporal de los discursos
  • Actores y conflictos sociales representados
  • Descripciones identitarias[4]: Esquemas de inclusión y exclusión social delimitados
  • Estrategias de construcción simbólica de la ideología (Thompson, 1998: 90-101)[5]

Metodológicamente, estos criterios me permitieron operacionalizar el análisis de la noción mucho más abstracta de regularidades discursivas, y ofrecer una visión abarcadora de los patrones generales — objetos construidos, tipo de organización de los discursos, elecciones temáticas, etc., que determinan su adscripción a una formación discursiva específica. Además, permitieron identificar los modos de operación de la ideología en el discurso de las telenovelas.

II.   Regularidades del paisaje ficcional cubano (1990-1999)

          Un aspecto que adquirió relevancia en el análisis del fictionscape televisivo cubano de los noventa fue la orientación temporal de los discursos. Una primera revisión de estos títulos evidenció la escasez de melodramas televisivos anclados en la contemporaneidad y la preeminencia de aquellos emplazados en otros momentos — definidos explícitamente o no — de la historia nacional. La marcada orientación hacia el pasado en la telenovela y el supuesto de que el anclaje temporal podía favorecer la operación de diferentes estrategias de construcción de la ideología en la telenovela, me condujeron a delimitar las siguientes tipologías de análisis: a) telenovelas históricas, b) telenovelas de época, c) telenovelas que hibridan tiempos históricos distintos y d) telenovelas de actualidad.

Estas tipologías funcionaron como criterio de organización y agrupación del universo de análisis. Una vez delimitadas, procedí entonces al examen de las telenovelas que conformaban estos distintos grupos atendiendo a los criterios de análisis explicitados en el apartado anterior.

La mayoría de las telenovelas producidas durante la década fueron melodramas de época (14 títulos), ocho de ellas tuvieron anclaje temporal en el periodo republicano (1902 y 1959) y seis en el periodo colonial (siglo XIX). Otros dos melodramas producidos mezclaban en sus tramas pasado y presente y se exhibió, además, una serie de carácter histórico, con lo cual un total de 17 telenovelas de producción nacional de la década se refirieron, total o parcialmente, a tramas ubicadas en el pasado, mientras que sólo 4 anclaron sus tramas en la contemporaneidad cubana de aquellos años.

Debido a lo extensivo del análisis, a continuación, expondré solamente algunas de las regularidades discursivas observadas en cada una de estas tipologías y recurriré a algunos ejemplos para ilustrar las diversas estrategias de operación simbólica de la ideología en el discurso de las telenovelas.

          A. La historia como melodrama: la narrativización del régimen revolucionario

En la tipología de telenovelas históricas se incluyeron aquellos discursos melodramáticos en los que la recreación de un periodo o evento histórico es el hilo fundamental de la trama. Se caracterizan por mantener rasgos melodramáticos básicos, pero articulados en torno a la representación de un periodo específico de la historia colectiva o de sus héroes principales, insertándolos en tramas que los recrean y reconstruyen ficcionalmente (Rodríguez, 2004: 49).

Este es el caso, por ejemplo, de De tu sueño a mi sueño (1990), cuyo tema central es la lucha clandestina desarrollada en las ciudades durante el mandato del ex presidente Fulgencio Batista. Su trama se estructura en torno a un grupo de jóvenes revolucionarios, involucrados en la lucha clandestina en las ciudades, lejos del escenario épico de la Sierra Maestra. Toma como referente, hibridándolos, diversos hechos represivos que tuvieron lugar entre 1956 y 1959.

Los sujetos protagonistas en torno a los cuales se construye la telenovela no son las grandes figuras reconocidas por la historia oficial, ella se presenta como un tributo a los “héroes anónimos”, los hombres y mujeres que habían sacrificado sus vidas en la lucha contra el régimen. No se trata de personajes históricos concretos, sino de personajes ficcionales, pero construidos con un alto grado de verosimilitud y referencialidad histórica, y que pretenden condensar la figura de un sujeto histórico plural: los jóvenes luchadores clandestinos. Un énfasis notable en De tu sueño a mi sueño fue la construcción humanizada e intimista de estos sujetos, alejados de los modelos más canónicos e idílicos de los héroes patrios.

En esta telenovela, las descripciones identitarias de los bandos en pugna (protagonistas y antagonistas) reproducen directamente los estereotipos de revolucionarios y contrarrevolucionarios, que fueran constituyentes del discurso de la revolución desde 1959. Si bien antes de 1959 los revolucionarios eran los miembros de organizaciones de lucha y oposición activa a la tiranía batistiana, con el triunfo de la revolución este término dejó de identificar exclusivamente a aquellos que habían participado en la contienda para designar a aquellos que apoyan el nuevo gobierno, y participan activamente en su construcción. El “estereotipo de comportamiento social que se acoge bajo el sello de revolucionario se irá definiendo merced a la precisión de su opuesto: el contrarrevolucionario” (Díaz y Rodríguez, 2001: 116).

En De tu sueño a mi sueño, la construcción de los sujetos protagonistas y de otros personajes co-protagónicos que codifican el polo positivo de estas construcciones identitarias — los miembros de la célula y militantes del M 26-7, en general — encarnan los valores y atributos que definen el autoesquema grupal de pertenencia construido en el discurso político de la revolución: ellos son “austeros, modestos, humildes”, caracterizados por “el desinterés, la llaneza y las ansias de justicia social” (Díaz, 2004: 116). Ellos codifican la figura — anónima, pero cotidiana — del héroe revolucionario. En contraposición, el polo negativo del contrarrevolucionario — esbirros, testaferros, y desertores — se construye a partir de un amplio repertorio de antivalores, como el egoísmo, el interés material como valor supremo, la corrupción, la crueldad extrema, la deslealtad, la cobardía y la incivilidad.

Los significados construidos en esta telenovela se articulan con un modo de operación de la ideología: la legitimación del Estado revolucionario, que lo presenta como la realización trascendente de las aspiraciones más genuinas de la nación. La telenovela narrativiza la existencia misma del sistema revolucionario, conectándolo con la tradición histórica, con la lucha y la realización de los ideales — no de la elite dirigente, ni de los héroes reconocidos — de la gente común, de los sujetos anónimos que estuvieron dispuestos a morir por ella. La ética sacrificial — uno de los componentes constitutivos de la moralidad revolucionaria (Bobes, 2000: 11-114) — es constantemente acentuada en el discurso telenovelesco.

La trama concluye con el triunfo de la revolución, que hace posible, también la reunión de la pareja protagonista. Las escenas finales retoman los recursos más obvios de representación del idilio socialista: los protagonistas, cuyos rostros se confunden, en una panorámica horizontal, con una multitud que aplaude enardecida un discurso de Fidel Castro. Cierra con unos créditos finales que rezan: Fin de la primera jornada, en una obvia alusión a la existencia de nuevas luchas, con nuevos héroes que deberán defender las conquistas de la revolución triunfante. Este cierre opera como estrategia de eternalización de la lucha, de la batalla, como un fenómeno recurrente, intemporal e invariable en la supervivencia del sistema revolucionario.

          B. El pasado como escenario: la construcción simbólica de la unidad nacional

En la tipología de melodramas de época, se ubican aquellas telenovelas que — sin aspirar a recrear hechos trascendentes o figuras reconocibles de la historia nacional — ubican sus tramas en algún momento o periodo del pasado (Mujica, 2007: 22). Los personajes, conflictos y peripecias que articulan sus tramas son de carácter ficcional, pero ambientadas en una época ya transcurrida. Se diferencian de los melodramas históricos por sus referentes y enfoques: mientras que los primeros toman a la historia (sucesos, episodios, personajes) como referente fundamental de sus tramas y la codifican en términos melodramáticos y ficcionales, los melodramas de época recuperan el pasado — o periodos más o menos reconocibles de éste — como escenario y contexto en el que se insertan tramas y personajes de ficción.

En esta tipología se encuentran telenovelas como Sol de Batey (re-transmitida en 1995), Magdalena (1991), Pasión y Prejuicio (1992), Las honradas (1994), Tierra Brava (1997) o El Eco de las Piedras (1998). Los tópicos sociohistóricos más recurrentes en este tipo de telenovelas fueron: la esclavitud y el carácter injusto de las relaciones interraciales y clasistas; la aspiración a la soberanía nacional y la agudización de los conflictos entre criollos y peninsulares y la crítica a la moralidad burguesa. En ellas, los personajes se construyen como tipos históricos (el señorito criollo ilustrado, rebelde conspirador y desafecto a la corona, el negro esclavo o cimarrón, el señor hacendado rico, etc.).

En el caso de Sol de Batey, por ejemplo, las descripciones identitarias y los criterios de inclusión y exclusión que construye la telenovela acentúan los valores humanos que sostienen las relaciones entre los esclavos y sus amos “buenos”— los independentistas, los cubanos verdaderos, según se enuncia en la propia telenovela — y la aspiración libertaria que los une en el enfrentamiento a los abusos ejercidos por aquellos otros personajes — “los malos”— que defienden sus egoístas intereses económicos, y la dominación de la metrópoli española.

En la construcción simbólica del nosotros se ubican no sólo en la pareja protagonista, sino también en una serie de personajes secundarios que, más allá de condiciones y posiciones sociales y raciales, comparten los propósitos y objetivos comunes de la búsqueda de la libertad. La polarización entre protagonistas y antagonistas no es sólo una polarización dramática, sino también política y patriótica: de un lado aquellos que defienden a toda costa los valores de la independencia, y de la igualdad entre las razas; y de otro, aquellos que se alinean con los antivalores de la subordinación colonial y esclavista.

Sol de Batey — como todas las telenovelas que se ubican en esta tipología, de la cual ella es el paradigma — es un discurso de (re)construcción simbólica de la identidad nacional que se articula en torno a las aspiraciones y luchas por la independencia. Éste es el gran tema de fondo, aunque sea representado a través de conflictos amorosos. La telenovela pone en práctica una estrategia de simbolización de la unidad, esto es, a la construcción de símbolos de identidad colectiva que se difunden en un grupo o una pluralidad de grupos (Thompson, 1998: 97), al tiempo que “dialoga”— confirmándolo — con el discurso político oficial que capitalizó como suya la tradición emancipatoria y nacionalista cubana.

Otra de las telenovelas de época exhibida durante esta década fue Tierra Brava. Su trama retomaba los principios clásicos del melodrama radiofónico, articulándose en torno a plots como el amor, el triángulo, el regreso, y la venganza. Un joven campesino que ha sido despojado de sus tierras deberá enfrentar, para recuperarlas, a un prepotente terrateniente y su despiadada hija. Se introdujeron así algunos de los asuntos más candentes en la memoria social del campesinado cubano, que opera en la legitimación del sistema sociopolítico vigente: el de la injusticia, la desposesión, el desalojo y la impotencia, encuadrado en el contexto social cubano de los años 50.

Tierra Brava recupera, además, los principios elementales de un discurso moralizante, no de los valores revolucionarios, sino en la acentuación de algunos de los valores sustantivos de la cultura política cubana, como las aspiraciones de justicia social (Bobes, 2000)[6], otorgándoles, melodramáticamente, una proyección sentimental y personalizada en los conflictos amorosos de los personajes protagonistas. Esta telenovela fue uno de los mayores éxitos de audiencia en el país, lo que fue capitalizado también por el propio sistema político cubano, que aprovecharía su título para la popularización de slóganes políticos que apoyaban la resistencia de la Revolución y el llamado a las elecciones generales efectuadas en 1997.

De este modo, la telenovela cubana se orientaba a la “aprehensión metafórica del pasado” para aludir al presente, describirlo y valorarlo (Mujica, 2007: 25). La representación ficcional del pasado nacional en las tipologías descritas se articuló bajo el modelo de una “historia monumental” (Landy 2000 en Mujica, 2007: 21); es decir, se estructuró en torno a episodios, coyunturas y conflictos de personajes que encarnan tipos heroicos dignos de imitación desde (y para) el presente.

           C. Melodramas que hibridan tiempos históricos distintos: el pasado como recurso de contrastación y legitimación del presente

La hibridación temporal fue un recurso utilizado en telenovelas como Entre mamparas (1996), y Cuando el agua regrese a la tierra (1993). Aunque sus tramas se despliegan en la contemporaneidad cubana de esos años, en ellas el pasado se introduce como un segundo tiempo de narración que permite la reconstrucción retrospectiva de la biografía de los personajes protagónicos. En estos casos, el pasado de referencia es el pasado republicano, los años previos a 1959.

En Cuando el agua regrese a la tierra, por ejemplo, esta hibridación de dos tiempos en la trama ficcional es utilizada como recurso para la contrastación de las trayectorias vitales — similares, pero con distinta resolución — de los protagonistas: Ventura, un anciano carbonero y su hijo Chemayía. La historia está centrada en el contexto rural cubano: fue filmada en la Ciénaga de Zapata, una de las zonas más agrestes, y menos desarrolladas en la época pre-revolucionaria. El conflicto entre padre e hijo se construye en torno a una metáfora: la búsqueda de un árbol de caoba, para la construcción de la nueva escuela rural.

Ventura tiene muy malas relaciones con su hijo, y con los vecinos del pequeño poblado en que habitan. Para explicar la actitud hostil del padre se introduce, a modo de narración paralela, su historia de vida, que ilustra la ardua lucha por la sobrevivencia cotidiana, los conflictos, las miserias y las injusticias enfrentadas por los campesinos en la época pre-revolucionaria en esta zona de Cuba. La historia de amor es en realidad vivida en el pasado— y recordada por Ventura— y se inserta en medio de este panorama de penurias que, a la larga, acabaron con la vida de la amada. La introducción de esta historia permite establecer un contraste evidente entre el presente de la narración (la actualidad) y el pasado que se evoca para darle sentido. A la vez, esta historia en dos tiempos opera como recurso en la ilustración de las transformaciones del contexto rural desde la llegada de la revolución al poder.

La tensión generacional entre padre e hijo que constituye el conflicto nuclear de la telenovela se resuelve cuando ambos toman conciencia de la identidad de sus propósitos. Aunque sus posturas y sus sentidos acerca de la vida son dispares — el viejo, muy apegado a su experiencia de vida, con un gran arraigo en las tradiciones de los carboneros; el joven, confiado en el progreso y la urbanización — la polarización es sólo aparente, pues ambos comparten el interés por ayudar a su comunidad y el objetivo fundamental de contribuir al mejoramiento de ese entorno agreste. Así, el enfrentamiento generacional se resuelve en nombre de un propósito que es colectivo, y que trasciende, por tanto, a ambos personajes.

El conflicto se diluye en el reconocimiento de la mismidad, de la unidad que es capaz de conciliarlos más allá de diferencias superfluas: la reconciliación entre padre e hijo es posible porque ellos que se aceptan y reconocen como parte de un nosotros que es, a la vez, familiar y social. De este modo, la referencia al pasado histórico en la telenovela deviene también un recurso de construcción de la conciliación: la búsqueda de las raíces y de los sentidos compartidos se impone a las diferencias superfluas y aparentes entre generaciones que, en el fondo, comparten los mismos propósitos y aspiraciones.

En ese caso, el pasado se devela como un recurso ejemplar de contrastación y legitimación del presente: el pasado es siempre un pasado de injusticias, de vejaciones y de desequilibrios políticos y sociales, y a la aspiración a un futuro donde estos conflictos y tensiones tengan por fin, una resolución justa, deviniendo así en un recurso de legitimación del presente.

          D. Los sentidos del presente. Melodramas de actualidad

Muy pocas de las telenovelas exhibidas durante la década sitúan sus tramas en la contemporaneidad cubana. Es el caso de telenovelas como Sin Perder la Ternura (1991), El Naranjo del Patio (1992) y Si me pudieras querer (1999). Las dos primeras fueron estrenadas a inicios de la década, y su proceso de producción inició al menos un año antes. Por lo tanto, más que una recreación ficcional de la sociedad cubana durante la crisis, ellas describen la sociedad durante los años previos al Periodo Especial.

Sin perder la Ternura toma su título de una frase de Ernesto Guevara: “hay que aprender a endurecerse, pero sin perder la ternura”. Ése parece ser el destino de la joven abogada protagonista, que encarna el modelo arquetípico de la mujer en la sociedad socialista, en la que se codifican las virtudes ejemplares idealmente prescritas para la mujer cubana. Su personaje sintetiza los valores de profesionalismo, responsabilidad, honestidad, sacrificio y preocupación por el otro que resultan nucleares en la ética del trabajo dentro de la sociedad socialista cubana.

La otra dimensión en la que puede ser analizado este personaje está en relación con la recreación del drama (deber) del internacionalismo proletario, ilustrado aquí no tanto desde las penurias del campo de batalla, sino desde las dificultades cotidianas que enfrentaban aquellos que permanecían en la Isla, esperando el retorno de sus seres queridos. Se codifican en la protagonista las actitudes y los valores esperados de aquellas mujeres — novias, esposas, amantes — de los combatientes internacionalistas: el sacrificio, la independencia, la responsabilidad, y la lealtad. No había en ella “nada que superar”, encarnaba una fuerza histórica, más que un ser humano verosímil (Beatriz, 1992: 22). En general, el discurso de esta teleserie muestra la hibridación del melodrama con algunos de los principios del realismo socialista.

Por otra parte, Si me pudieras querer se estrenó en la televisión cubana en marzo de 1999. Llegaba al final de un decenio en que el espacio de la telenovela nacional había sido ocupado mayoritariamente por melodramas de época. Las demandas por parte de la crítica periodística y de la audiencia cubanas de una telenovela que se enfocara en la contemporaneidad de la Isla eran ya muy fuertes. De modo que esta telenovela pretendió conseguir “una amplitud incluyente y panorámica, en la cual pudiera reconocerse cualquier cubano” de ese momento (Del Río, 1999: 6).

En este afán de construir una representación diversa e incluyente de la sociedad cubana emergente de la crisis, Si me pudieras querer sitúa su trama en un solar, una casa de vecindad habanera. Este escenario constituye un recurso para la condensación metonímica de la heterogeneidad de la sociedad habanera y cubana. En el solar coexisten, en la trama de la telenovela, personajes-tipos que pretenden dar cuenta del colorido y la diversidad de la sociedad cubana, así como algunos de los actores sociales emergentes de la crisis (emigrados, proxenetas, traficantes, prostitutas, trabajadores independientes). Ese espacio — que no es ni privado ni público, pero que puede unir ambas dimensiones al mismo tiempo — es el escenario de intersección en la trayectoria cotidiana de todos los personajes, en el que se construye la “realidad social” de la telenovela.

El solar posee la capacidad heterotópica de yuxtaponer, simbólicamente, “en un solo lugar, múltiples espacios, múltiples emplazamientos que son en sí mismos incompatibles” (Foucault,1984: 126): la guarida del ex convicto con la vivienda del trabajador íntegro; el estudio del pintor con el salón de belleza; la casa del padre modelo con la del alcohólico solitario.

No obstante, en la telenovela aparece exaltada, sobre todo, la idea de unidad espacial e integración social, el estatuto de familiaridad, de unidad y de solidaridad que une a todos sus habitantes, más allá de sus diferentes posiciones sociales, intereses, y posturas ante la vida. El solar — la vecindad — es a la vez, sinécdoque y metonimia: generaliza, y construye la imagen de una ciudad, de un país, de sociedad feliz y armónica “pese a todo”; y el imaginario de conciliación de las diferencias que en él se construye se extiende, para designar a la sociedad misma que refiere.

La utilización del espacio solariego en el discurso de la telenovela se constituye en función de uno de los modos generales de operación de la ideología: la unificación (Thompson, 1998: 97). El solar se construye como un espacio simbólico de integración de los individuos en una identidad colectiva que opaca y minimiza las diferencias. Al presentarse como un espacio vital que pretende “unir a los individuos en una forma que hace caso omiso de las diferencias y las divisiones”, el solar permite la construcción de una narrativa de pertenencia y de consenso que pretende “trascender la experiencia de conflicto, diferenciación y división” (1998: 93). La telenovela articula un diálogo confirmativo con el discurso político, cuyo leit motiv era el del llamado a la unidad nacional — otra vez, “pese a todo” — y en el que la conciliación nacional era construida como el único recurso de resistencia y superación de la crisis.

Al nivel de sus significados globales, en la telenovela opera una estrategia de naturalización (Thompson, 1998: 99) que normaliza la crisis y los conflictos y transformaciones sociales derivadas de ésta normalización de la crisis social que debe leerse aquí en la doble acepción de la palabra: la construcción de la crisis como normal; y la construcción de una representación de la sociedad en crisis ajustada a una norma, es decir, dentro de unos ciertos criterios delimitados y delineados desde el discurso político oficial como “la nueva normalidad revolucionaria”.

Lo que se pone en cuestión en la telenovela no es la crisis misma, sino los modos y las estrategias personales desplegados para enfrentarla. La normalización de la crisis se entrelaza entonces con su moralización: la desigualdad y la injusticia social no son cuestionables; lo que resulta cuestionable, en cambio, son los modos de lidiar con ellas. En el “simulacro” de diálogo diverso sobre el que se construye la realidad social en la telenovela, los discursos y las posiciones de enunciación “alternas” — emergentes, desviadas del orden moral dominante — son construidas desde la estereotipación, y quedan reducidas a la descalificación, a la neutralización, y a la rehabilitación ejemplarizante. Este es el caso, por ejemplo, de los sujetos ficcionales que encarnan posiciones de enunciación emergentes en torno al trabajo y a la prostitución.

En la telenovela se construye una narrativa de la reconciliación, la simbolización de la unidad nacional, que queda definida y naturalizadas en la ficción según los límites trazados por el sistema político. La polarización entre protagonistas y antagonistas reafirma, en este caso, la delimitación de lo socialmente aceptable, ahora expandido hacia algunas zonas tradicionales de exclusión como los emigrados, los trabajadores independientes, etc., versus lo socialmente desviado e irrecuperable, lo no aceptable para la sociedad socialista cubana, localizado en actitudes abiertamente delictivas como la corrupción, el tráfico ilegal, el proxenetismo o la prostitución. Estos últimos son representados — incluidos — en el discurso sólo para ser sometidos, simbólicamente, a una estrategia de expurgación: se construyen como antagonistas, enemigos internos, potencialmente peligrosos y malignos (Thompson, 1998: 98).

Conclusiones

           Las prácticas discursivas melodramáticas y la fruición que ellas suelen despertar en sus públicos han estado íntimamente conectadas con su capacidad para responder a contextos críticos de inestabilidad y de ansiedad social. En su capacidad de expresar la agitación y la vulnerabilidad experimentada por los sujetos en el marco de sus experiencias y contexto más íntimos, se presupone que el melodrama ejerce también una función paliativa, provee de seguridad en la creencia de la protección de fuerzas divinas, en la utopía del reestablecimiento de la justicia, y fortalece la fe en verdades morales simples e inmutables (Singer, 2001: 294).

Es plausible interpretar que, en el contexto de la Cuba de los noventa, las condiciones de posibilidad del melodrama televisivo estuvieron asociadas a la presuposición — por parte de los agentes políticos, y de regulación y producción mediática, de la función paliativa que éste podía ejercer en una sociedad en crisis — la convicción de que éste podía actuar como “válvula de escape” a las presiones, tensiones e incertidumbres de la vida cotidiana de una sociedad que atravesaba una profunda crisis, no sólo económica sino también de sentido.

La recurrencia al pasado es una de las regularidades discursivas fundamentales en el fictionscape cubano de la década. La notable mayoría de títulos que refieren a otros tiempos o coyunturas de la historia o el pasado nacional dibujan en sepia el rostro de todo un país cuya contemporaneidad pareciera resultar irrelevante o inapresable para la ficción. Ante la imposibilidad de recrear un presente de triunfos y de victorias, el melodrama televisivo se orientó entonces a la búsqueda de un pasado común que pudiera hacer sentido sobre el presente de crisis.

El recurso a los melodramas de época en la pantalla cubana parece haberse operado en dos sentidos fundamentales en la construcción y el ejercicio del poder y la dominación: 1) en su evasión de las penurias económicas y sociales del presente para enfocarse, en cambio, en la construcción melodramática del pasado; y 2) en el reforzamiento simbólico, emocional de los vínculos de comunidad nacional, a partir del rescate de los valores más universales que, arraigados en la cultura política cubana anterior a la Revolución, pero radicalizados por ésta, formaban también parte de su repertorio moral legitimante (Bobes, 2000).

La metáfora epocal se devela como un dispositivo de contrastación con el presente, y de exaltación de la continuidad histórica: el pasado revela conflictos públicos de carácter histórico y político que acentúan las razones más profundas y universales que condujeron a la forma y el sistema social presente: son los conflictos primarios que explican la existencia del sistema sociopolítico revolucionario, y que construyen implícitamente a su continuidad histórica.

En diálogo confirmativo con el discurso político oficial — que trataría, en esta coyuntura, de sustituir sus más tradicionales referentes del marxismo soviético en pro del rescate del ideario patriótico nacionalista que había sido su base — el melodrama televisivo apelaría la referencialidad histórica que operó, simbólicamente, en la narrativización del sistema sociopolítico revolucionario, conectándolo a una historia nacional que lo legitima, y que trasciende la experiencia de crisis. El recurso a la historia operó también en la simbolización de la unidad (Thompson, 1998); esto es, en la construcción de símbolos y referentes de identificación colectiva que —ante el quiebre de las bases sociales de consenso en el contexto de la crisis — resultaban básicos para la sobrevivencia del sistema sociopolítico.

Por otra parte, Si me pudieras querer constituye la primera representación — en el melodrama televisivo cubano — de la sociedad reconfigurada por la crisis. El análisis de esta telenovela permitió observar no sólo la construcción discursiva de una serie de reajustes tanto de las dinámicas como de los actores sociales emergentes de la crisis, sino también la relación de esa construcción melodramática con los giros — los reajustes estratégicos — con los que el discurso político oficial cubano trató de hacer frente al episodio de cambio, de hacerlo “posible” y de asimilarlo al orden simbólico-moral de la revolución. Esta telenovela pone en juego estrategias simbólicas que operan en la naturalización y la moralización de la crisis.

El universo moral que necesita “ser reconocido” (Brooks, 2005: 203) en este discurso melodramático es el de la moral revolucionaria: los signos de virtudes sociales como el sacrificio, la responsabilidad, la frugalidad y el desinterés material son los que pugnan por hacerse reconocibles en la realidad social de la telenovela. Es en la adhesión a ellos que se construye la narrativa de la reconciliación, la simbolización de la unidad nacional. No obstante, la coexistencia de posiciones de enunciación y de discursos desviados del orden dominante, aun cuando ellos resulten neutralizados y deslegitimados en el discurso de la telenovela, suponen el reconocimiento implícito de la existencia de un conflicto ideológico: la ideología sólo es hegemónica en cuanto consigue imponer un efecto de clausura sobre los múltiples sentidos posibles de la realidad; cuando sus definiciones de sentido sobre el mundo son aceptados como verdades, e incorporados como saberes.

 

Notas de fin

[1] En 1975, cambió su nombre por el de Instituto Cubano de Radio y Televisión (ICRT), que se mantiene hasta la fecha.

[2] Según Alonso (1999: 88), la trayectoria histórica del consumo de telenovelas de producción nacional en Cuba se ha comportado de la siguiente manera:

Década de 1960: no existen datos.

Década de 1970: Elevada teleaudiencia y aceptación, con predominio del público femenino.

Década de 1980: Incremento considerable del público masculino. Pasa a ocupar espacios estelares de teleaudiencia.

Década de 1990: Consolidación definitiva del género. Primer lugar de teleaudiencia, tanto femenina como masculina.

[3] Periodo especial en tiempos de paz fue a denominación construida desde el discurso oficial para nombrar la crisis en todos los órdenes de la sociedad cubana que se desencadenó en este contexto.

[4] La categoría de descripciones identitarias se enfoca en aquellas determinaciones identificatorias positivas (quiénes somos) y negativas (quiénes no somos) que operan en la construcción de una autoimagen normativa del grupo o comunidad nacional (Van Dijck, 2008).

[5] Thompson (1998) identifica cinco modos generales de operación de la ideología (legitimación, simulación, unificación, fragmentación y cosificación). A cada uno de ellos se vinculan ciertas estrategias típicas de construcción simbólica. Véase Thompson (1998: 90-101).

[6] Me remito, en este punto, a los análisis realizados por Velia Cecilia Bobes (2000; 2007) acerca de la construcción del orden moral de la revolución cubana. Según esta autora: “En el orden moral, el discurso revolucionario se afincó en su continuidad con el complejo nacionalista revolucionario arraigado en el repertorio cultural cubano, reelaborando (resemantizando) sus valores fundamentales. El nudo central de este discurso — y del orden moral que daba sentido al nuevo ordenamiento político y social — fueron las ideas de la justicia social (basada en “las necesidades del pueblo”), el igualitarismo y el nacionalismo” (Bobes, 2000: 263).

 

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Telenovelas citadas

Blanco Xiomara (Dir.) “El naranjo del patio”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1992.

Blanco Xiomara (Dir.) “Tierra Brava”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1997.

Elba, Consuelo (Dir.) “Sin perder la ternura”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1991.

Elba Consuelo (Dir.) “Entre mamparas”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1996.

Garriga Roberto y Huerta Osvaldo (Aut.) “Las honradas”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1990.

Garriga Roberto (Dir.) “Sol de Batey”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1985.

González Mirtha (Dir.) “Cuando el agua regrese a la tierra”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1993.

González Rafael (Dir.) “Si me pudieras querer”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1999.

Macías Eduardo (Dir.) “Pasión y Prejuicio”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1992.

Moya Eduardo (Dir.) “De tu sueño a mi sueño”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1990.

Suárez Silvano (Dir.) “Magdalena”, La Habana, Instituto Cubano de Radio y Televisión, 1992.

 

Pour citer cet article

Janny Amaya Trujillo, “Telenovela y (re) producción del poder en la crisis del socialismo en Cuba (1990- 1999)”, RITA [en ligne], n°11 : juillet 2018, mis en ligne le 16 juillet 2018. Disponible en ligne : http://revue-rita.com/dossier-11/telenovela-y-re-produccion-del-poder-en-la-crisis-del-socialismo-en-cuba-1990-1999-janny-amaya-trujillo.html