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Transformations étatiques au Venezuela et en Equateur à la lumière des politiques de sécurité citoyenne

 

Résumé

Ce travail se propose de comprendre les transformations étatiques en Équateur et au Venezuela dans le cadre du virage à gauche, à la lumière des politiques de sécurité citoyenne. Il considère de manière comparative la formulation, l’application et la réception des politiques en prenant en compte les différents acteurs qui interviennent dans les processus participatifs que la sécurité citoyenne promeut. À partir de l’approche méthodologique de l’analyse des politiques publiques dites des « 3I » et de trois études de cas, nous nous intéresserons aux changements institutionnels, idéologiques et pragmatiques des politiques de sécurité en rendant compte plus largement de la nature des transformations de l’État en contexte « révolutionnaire », à travers ses discours, les réformes entreprises et l’implication des acteurs.

Mots-clés: Sécurité citoyenne ; Transformations étatiques ; Démocratie participative ; Politiques publiques ; 3I.

Resumen

Este artículo indaga las transformaciones estatales en Ecuador y Venezuela en el marco del “giro a la izquierda”, a partir de las políticas de seguridad ciudadana. Se considera en clave comparativa la formulación, aplicación y recepción de esas políticas mediante una atención a los diferentes actores que componen e influencian dichas políticas, basadas en la participación. Cruzando el enfoque metodológico de análisis de las políticas públicas de los “3I” y tres estudios de caso, definiremos los cambios institucionales, ideológicos y pragmáticos de las políticas de seguridad y de las transformaciones del Estado en contexto “revolucionario”.

Palabras-clave: seguridad ciudadana; transformaciones estatales; democracia participativa; políticas públicas; 3I.

 

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Mila Ivanovic

Docteure en sciences politiques (Université Paris 8)
Chercheure à Celarg/labtop-Paris8. .

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Transformations étatiques au Venezuela et en Equateur à la lumière des politiques de sécurité citoyenne(1)

 

 

Introduction

Nous avons décidé d’aborder dans cet article l’analyse des politiques publiques de sécurité via l’étude de deux régimes politiques emblématiques du « virage à 180 degrés »(2), initiés par la vague des néo-constitutionalismes (Venezuela, Bolivie, Équateur). Il nous semble intéressant de tourner notre regard vers les conceptions de la sécurité que ces États ont mis en place, et par ricochet, les conceptions de l’État qu’elles engendrent. Le Venezuela et l’Équateur sont intéressants dans la mesure où ils nous invitent à repenser l’action de l’État en préconisant de nouvelles relations politiques entre celui-ci et la société (modèle de démocratie participative). Nos deux cas s’insèrent dans des modèles « participatifs » de sécurité publique, plus communément qualifiés de « sécurité citoyenne »(3) (Bailey, Dammert, 2006 ; Pontón, Santillán, 2008 ; Rodgers, 2013).

Concept-valise par excellence, la sécurité citoyenne est devenue un terme ambidextre en matière politique, que la gauche ou la droite peuvent revendiquer. Il peut être enrichissant de voir dans quelle mesure des États dits « révolutionnaires », modifient-ils ou pas leurs structures et leurs discours pour répondre aux défis d’une sécurité marquée par les principes de justice sociale et d’égalité. Que nous apprennent les politiques de sécurité sur les tentatives d’élaboration de nouvelles formes de gouvernement ? La sécurité, comme politique sectorielle et concrétisation du monopole de la violence légitime et du « droit à la violence » (Weber, 2009 : 83-84), peut être un excellent terrain d’observation de ces logiques de refondation. Dans la tension d’une part entre l’exigence du recours à la force à l’encontre des citoyens, et généralement des couches les plus démunies – qui constituent le socle social et électoral de ces régimes –, et d’autre part la mise en place de mécanismes de participation censés diluer ou nuancer les effets coercitifs de l’État sur ses citoyens, et en fin de compte, censés illustrer ses transformations.

L’objectif de cet article, fondé sur des données empiriques issues de deux enquêtes de terrain à Caracas et Quito en 2014, est d’interpréter les changements opérés dans l’implémentation de politiques locales de sécurité et les justifications politiques qui les soutiennent. Il nous semble important de souligner qu’alors même que nous nous pencherons sur deux expériences locales, possédant des caractéristiques propres en termes de structures de pouvoir territoriales et de décentralisation, ils constitueront de bons indicateurs de l’action de l’État central sur cette prérogative essentielle que représente la sécurité publique. Nous nous sommes tournés vers trois types d’acteurs: les fonctionnaires en tant que producteurs et vecteurs des politiques, les policiers en tant qu’opérateurs de celles-ci, et les citoyens-habitants à la fois récepteurs et transformateurs. Grâce à cette perspective, et aidé en cela par la méthode d’analyse des politiques publiques dite des « 3I » (Pallier, Surel, 2005 ; Hall, Taylor, 1997)(4), la production des politiques publiques, et les transformations étatiques qu’elles peuvent recouvrir, nous aborderons de manière plus dynamique les « constellations » d’acteurs et d’idées qui animent le monde de la politique institutionnelle.

Nous analyserons dans un premier temps les conditions de la comparaison, puis les modèles de gestion policière concomitant à une réforme de l’État, et enfin, l’influence des modèles transnationaux de gestion de la sécurité et la prépondérance de la « raison de la force » en dépit des efforts de déploiement de modèles « participatifs » dans ces deux pays.

 

I. Les conditions d’une comparaison

Ces dernières années, l’Équateur et le Venezuela ont connu des transformations importantes de leurs modèles politiques. Ils se posent, dans les deux cas, comme des systèmes qui tendent à révolutionner les relations politiques et économiques, aussi bien qu’à résorber les inégalités sociales. Pourtant, si l’on porte notre attention sur les conditions de réaction de ces gouvernements face au crime et aux délits, les résultats sont plus que surprenants dans la mesure où ils indiquent des tendances qui vont à revers des discours prêchés, « pro-pauvres » et essentiellement préventifs, avec une hausse des taux d’emprisonnement (Sozzo, 2015). S’il y a bien une recrudescence du punitivisme dans les pays à vocation progressiste et/ou révolutionnaire comme le décrit Sozzo, quels éléments peuvent nous aider à avancer dans l’analyse de ces régimes « post-néolibéraux » (Sader, 2008 ; Figueroa Ibarra, 2010) et à comprendre les formes de contrôle social exercées sur les populations ? Nous adopterons la méthode des « 3I » comme proposition d’analyse de l’ « État en action » (Palier, Surel, 2005).

Les études sur la question de la sécurité publique en Amérique latine sont légion, cependant la composante comparative est étrangement peu présente. De manière générale, elles sont centrées de manière plus systématique sur le Cône Sud (Argentine et Chili en premier lieu). Au sein de ce champ, on observe aussi une tendance quantitative et statistique (et par là, statocentrique) de la plupart des études sur la violence et ses réponses institutionnelles.

Ici, notre point de départ empirique est une étude comparative de deux politiques publiques de sécurité citoyenne, la Police Communale au Venezuela et les Unités de Police Communautaire (UPC) en Équateur, à partir d’une immersion sociologique à Caracas et à Quito. Il s’agit de considérer les formes de relation entre les acteurs dans la gestion de la sécurité et leur application au niveau local. Nous évaluerons l’effet de ces politiques dans le contexte des deux capitales : à Caracas, avec la police communale d’Antímano(5); à Quito, avec deux UPC, l’une dans un quartier de classe moyenne central, la Floresta(6) et l’autre dans un quartier périphérique autoconstruit et populaire, Atucucho(7). Dans l’une, la décentralisation est poussée et les systèmes de gouvernance locaux sont complexes (municipalité, administrations zonales et districts), dans l’autre, la centralisation est plus marquée et politiquement plus fragmentée du fait d’une division de la ville en différentes municipalités. L’arrivée du concept de sécurité citoyenne est aussi plus tardive dans le cas vénézuélien.

En tant que prérogative régalienne par excellence, la fonction policière est un miroir intéressant et ce, a fortiori dans deux pays où les forces de police ont joué un rôle de premier plan au cours de deux épisodes de déstabilisation de l’ordre constitutionnel(8) et ont connu un processus de réforme d’envergure. Ces apparentes similitudes sont contrecarrées par une différence de taille dans l’impact des statistiques de délit, et particulièrement dans les niveaux d’homicide très disparates(9).

Pour établir la comparaison, nous avons eu recours à l’analyse d’un matériel empirique, certes limité et déséquilibré (trois semaines dans le cas de Quito, plusieurs mois à Caracas) mais qui nous a permis de tracer les grandes lignes de définition des politiques de sécurité et leurs applications locales. Nous nous sommes basés sur une quinzaine d’entretiens à Quito et une dizaine à Caracas.

 

II. Modèles de gestion policière et réforme de l’État

En Équateur, l’idée de sécurité citoyenne fait son chemin dès le début des années 2000. Au Venezuela, en revanche, le processus d’implémentation de nouveaux outils de sécurité citoyenne s’est étendu dans la durée, et a débouché sur la création de la Police Nationale Bolivarienne (PNB) en 2010, soit plus de dix ans après l’arrivée au pouvoir du chavisme.

            A. Venezuela : un processus inachevé de consolidation institutionnelle

Au Venezuela, pays où les indicateurs de violence (social et politique) sont dans le rouge, il existe deux types d’approche dans l’usage de la force légitime et le maintien de l’ordre : un modèle répressif/réactif marqué par une culture de la violence policière, par lequel l’État privilégie des politiques de « mano dura » envers des populations cible et suspectes. Cette posture n’est pas nouvelle si l’on considère les politiques exécutées au cours des dernières décennies(10). Le changement de régime politique en 1998, et l’attention particulière à la question sociale avec la Révolution Bolivarienne, n’ont pas infléchi certaines orientations des politiques de sécurité, comme le révèle l’épisode controversé autour des « prédélinquants » en 2000(11), les « Madrugonazos al Hampa » (Coup de filet matinal contre la délinquance), condamnés par différentes organisations sociales et de droits de l’homme. En 2011 sont lancés le Plan Dibise (Dispositif Bicentenaire de Sécurité Citoyenne) et Patria Segura (Patrie Sûre), pensés pour contenir et réduire les homicides dans la capitale, à partir de l’action conjointe entre la police et l’armée. Finalement, en 2015, l’Opération de Libération du Peuple (OLP) est lancée en grandes pompes par le gouvernement de Maduro, et est sévèrement critiquée pour ses agissements ultra-répressifs et extrajudiciaires(12). En définitive, ces politiques manifestent l’incapacité de l’État à traduire l’amoindrissement du recours à la force présent dans le discours « révolutionnaire »(13) par des mesures policières non-autoritaires. Face à cette diversification des méthodes, on observe aussi l’essor d’organisations, connues sous le nom de « collectifs ». Sans entrer dans la polémique sur leur nature, il est utile de souligner qu’ils participent de l’essor de formes de « vigilantisme »(14) populaire face à l’inertie judiciaire et la corruption policière.

En dépit de la continuité du modèle répressif/réactif, tout un pan des politiques relève d’un modèle dissuasif/proactif (impliquant la participation des habitants) avec le travail exécuté par la Commission Nationale pour la Réforme policière(15) (2006-2011), la création du Conseil Général de la Police (2009), et le service communal de la PNB (2011). Ce dernier se propose de générer des relations durables avec les organisations sociales et les habitants. Tel que l’on a pu le constater à Antímano, les équipes patrouillent, à pied ou en voiture, et participent aux réunions de quartier. Étant donné le caractère très participatif des politiques sociales engagées dans les quartiers populaires au Venezuela, la sécurité n’y échappe pas. Les conseils communaux(16) (CC) sont les premières instances où vont se discuter les problèmes d’insécurité, à travers des « comités de sécurité », lorsqu’ils existent(17). Mais c’est avec l’essor de la PNB qu’un nouveau dispositif est créé : les Comités Citoyens de Contrôle Policier(18). Selon un fonctionnaire du Conseil Général de la Police: « il y a dix ans ou quinze ans, aller parler avec un directeur d’un service de police était impensable (…) Nous avons cherché l’efficacité, la gestion parfaite en matière de modèle policier, donc je crois que le plus important et le plus novateur, c’est que notre peuple souhaite participer dans les comités »(19).

À la lumière de ces grandes lignes d’action, retenons la forte attention portée au « problème policier » dans le cadre de la formulation des bornes de la sécurité citoyenne. Avec l’entrée en vigueur en 2001 du Décret ayant force de loi de Coordination de la Sécurité Citoyenne, le Conseil de Sécurité Citoyenne établit des mécanismes de coordination entre les différents corps policiers laissant la participation de la société comme un détail sans réel contenu(20).Malgré tous les efforts engagés dans la réorganisation des polices régionales et municipales, le désarmement et la participation des habitants, les résultats sont peu probants : les taux d’homicide sont en progression et la sécurité est devenue le principal problème des Vénézuéliens. L’articulation et la coïncidence entre une action préventive, une culture policière-étatique violente, et les obstacles institutionnelles (faible continuité des politiques et des équipes ministérielles, déficiences judiciaires, corruption) sont quelques-unes des caractéristiques de l’expérience vénézuélienne.

À partir des observations réalisées à Antímano, il est possible de préciser quelques lignes analytiques concernant l’engagement des habitants dans les processus de sécurité citoyenne. En premier lieu, Caracas est une ville socialement ségréguée mais dans laquelle la pénétration des intérêts immobiliers et commerciaux dans les quartiers populaires est peu opérante. Autrement dit, le secteur privé n’exerce pas de pression afin d’établir des conditions de sécurité dans le cadre de la revalorisation immobilière(21). Par ailleurs, la nouvelle police génère de fortes attentes politiques et, en même temps, présente une certaine désarticulation entre les différents segments d’application des politiques. Les conditions de travail des policiers sont difficiles (autant au niveau des salaires et des horaires que de la violence sur le terrain). De plus, il y a un déficit important de personnel(22). En second lieu, nous avons constaté une présence et un accompagnement erratiques des institutions, et une fragmentation de l’action participative communautaire. Dans ce sens, le plus remarquable est l’engagement limité des CC dans les thèmes de sécurité, par peur ou désintérêt. Ce phénomène s’explique en partie du fait d’une distinction ténue dans la gestion des outils participatifs de la sécurité entre la délation, la production de politiques de renseignement et la résolution concrète des affaires qui peut être mis sur le compte de la faiblesse institutionnelle des appareils judiciaires. Et finalement, la perception de la police par la population continue, malgré les changements, à être négative ; les gens condamnent sa faible efficacité, et la persistance d’actions répressives et de corruption(23). En parallèle, le système participatif mis en place est grevé par la faible responsabilisation de l’institution policière dans la gestion des sanctions à l’encontre des agents suspectés de fautes. Il persiste un niveau d’impunité significatif en cas de corruption ou d’assassinat. Cependant, il règne aussi un sentiment de vulnérabilité chez les policiers dans le déroulement de leur travail(24).

En ce qui concerne la participation des habitants, il semble exister un risque de personnalisation de la sécurité, qui explique en grande partie la désaffection participative. La multiplication des « collectifs », la forte conflictualité politique (entre février et avril 2014, notamment) et les résultats très médiocres au niveau national dans la réduction des homicides(25) sont quelques-uns des facteurs qui ont mené le gouvernement à délaisser la « sécurité citoyenne » au profit de la « sécurité nationale »(26). Ce qui est compréhensible tant la sécurité citoyenne se caractérise par des effets peu visibles à court terme. Alors même qu’elle repose sur l’application d’outils propres à la « bonne gouvernance » (Hermet, 2004; Goirand, 2013), puisque suivant les injonctions internationales en matière de sécurité citoyenne, les objectifs politiques du discours « révolutionnaire » entrent en contradiction avec la rationalité pragmatique de l’État.

          B. L’Équateur : parangon d’une expérience continue et « réussie »

Le cas équatorien est plus traditionnel à en croire les outils utilisés pour mener des politiques de sécurité depuis différents niveaux (national, municipal et local). La police nationale provient d’une tradition militariste en tant que force auxiliaire pour la « défense de la souveraineté nationale » (Deluchey, 2005). Dans les dernières années de la réforme policière, et dans une plus grande mesure après le 30 septembre 2010(27), la police a été purgée de ses éléments doctrinaires militaires au profit d’une vision « humaniste » et de service à la communauté. En effet, la police communautaire est une branche de la police nationale qui a atteint une plus grande visibilité avec les UPC. En Équateur, on note ainsi une superposition de différents niveaux de prise de décision et de définition des politiques en matière de sécurité. Le cas de Quito est particulier dans la mesure où la mairie dispose de prérogatives élargies, fruit de la réforme de décentralisation dans les années  1990-2000. Le changement institutionnel a lieu à partir de 2003 lorsque la Direction de Sécurité citoyenne est créée ainsi que le Système Métropolitain de Sécurité Citoyenne grâce à l’apport de nouvelles sources de financement et à la consolidation de la décentralisation(García Gallegos 2013). Les UPC mises en place en 2003 à Quito, Guayaquil et Cuenca (Pontón 2009), sont pensées dans un effort de modernisation et décentralisation de la Police Nationale. Elles s’étendent par la suite à l’ensemble du territoire national. Cette innovation en matière de sécurité s’accompagne, sous Correa, d’une réforme du système judiciaire et le renforcement des mécanismes de décentralisation. Ils sont aussi le fruit d’une réorganisation administrative complexe qui superpose la mairie, des administrations zonales, des secrétariats municipaux, des districts et des sous-zones.

Il est à noter qu’en Équateur, l’influence étrangère est importante via un système de subventions internationales(28), de transferts d’expériences (Kobe, Japon) ou de consulting (Israël).

Un deuxième point à relever est la faible visibilité des organisations sociales dans la mise en place des politiques de sécurité et, de manière plus générale, dans les dynamiques politiques du corréisme (à la différence du chavisme au Venezuela qui se nourrit de l’organisation populaire). Dans les secteurs de classe moyenne, la police tend à jouer un rôle de relation publique avec les commerçants et les groupes d’habitants ; dans les quartiers populaires, ils interviennent principalement sur des questions d’ingestion d’alcool sur la voie publique ou de violences domestiques. Il y a peu de suivi des habitants en termes socioéconomiques par exemple, et une interaction réduite. Cet aspect est souligné dans une enquête réalisée en 2009, établissant que seuls 23% des UPC à Quito maintenait des relations avec la communauté (Vallejo, 2009 : 366). Lors de nos différentes visites de terrain, nous avons pu constater la désunion entre la police et les habitants, accentués par une forte rotation des policiers, et le peu d’importance accordée à consolider les relations entre la communauté et les policiers.

Il est à noter un contraste saisissant entre les unités implantées dans le centre et les périphéries populaires. Là où l’impact des délits est le plus important et où la richesse (résidentielle et commerciale) est concentrée, l’effet des UPC semble être plus fort. C’est là une différence de taille avec le cas vénézuélien où les quartiers populaires sont priorisés. Mais il y a un déploiement effectif des UPC dans toute la ville, à la différence de la police communautaire à Caracas.

Toute cette politique est articulée grâce au financement municipal et à la levée de la « taxe de sécurité » à partir de 2002 qui a permis d’améliorer substantiellement les revenus de la police et de développer des dispositifs et des innovations importantes. Pourtant, il n’y a pas de véritables structures de participation en dépit de la création des Comités de Sécurité Citoyenne, formés par une seule personne lorsqu’ils existent, sans réel espace d’articulation avec la communauté. Ainsi, ils sont l’objet d’un investissement important de la part des institutions (Secrétariat municipal de sécurité citoyenne en particulier) mais ils se désarticulent rapidement.

Nous avons aussi pu apprécier la permanence d’une culture du « vigilantisme » avec les brigades populaires(29), sortes de battues réalisées par les habitants d’un quartier, pour faire fuir les délinquants ou les « indésirables ». Dans certains cas, les actions peuvent même aller jusqu’aux représailles (lynchage, immolation). Il s’agit de pratiques qui sont discréditées par les institutions liées à la sécurité citoyenne, qui privilégient la résolution pacifique et participative des conflits.

 

III. Modèles transnationaux de gestion de la sécurité et « raison de la force » en contexte révolutionnaire

            Dans les deux cas que nous examinons ici, il a été question de processus de réforme de l’État, qui trouvent leur origine dans les processus de décentralisation des années 1990, puis dans la nature radicale et populaire que ces projets politiques revendiquent. Dans le cas équatorien, le premier modèle prévaut dans la mesure où la réforme de la police, et les premières formulations d’un « nouveau modèle de gestion » de la sécurité citoyenne se met en place à la fin des années 1990. Dans le cas vénézuélien, comme nous l’avons ébauché, l’objectif formulé est l’empowerment des secteurs populaires et la co-production des politiques.

Au-delà des conditions locales d’application des politiques de sécurité, il existe tout un tissu de relations transnationales dans le but d’homogénéiser les interventions en matière de sécurité dans tout le continent(30). Ce que certains ont nommé des « stratégies internationales » (Dezalay, Garth, 2005) représente une constante dans le domaine de la circulation des politiques instituées par les organisations internationales qui sanctionnent une certaine manière d’aborder la résolution de problèmes locaux. De telle sorte qu’il n’y a pas une politique réellement novatrice en la matière, et ni le Venezuela, ni l’Équateur n’échappent à cette réalité. Dans le cas équatorien, l’expression de la nouveauté n’est pas aussi prégnante qu’au Venezuela. Dans le cas vénézuélien, la rhétorique révolutionnaire du changement est plus marquée mais reste confinée aux discours et à quelques structures institutionnelles (UNES(31), CCCP, CGP). En fin de compte, il est difficile de faire de la sécurité un thème anti-répressif, et dans lequel la raison de la force ne soit l’unique point de sortie. En somme, la « coproduction de la sécurité » (Agudo Sanchíz, 2014) donne lieu à une conception, certes progressiste ou « welfariste » (Ayos 2013), mais elle représente surtout un levier puissant de légitimation des politiques publiques. Si l’on reprend notre grille de lecture méthodologique, avec les 3I, nous pouvons avancer vers la description et l’analyse de ce « tournant étatique » dans les politiques de sécurité des deux pays.

En Equateur, les idées tournent autour du « nouveau modèle de gestion », et au Venezuela autour du « nouveau modèle de police » et du désarmement, qui sont deux des jalons de la politique depuis 1999. Ce que l’on peut retenir ici, c’est une différence en termes de contexte et d’agent récepteur du changement ; dans le premier cas, il s’agit d’une transformation du fonctionnement de la police et des institutions de l’État (leurs relations, objectifs et « efficacité »), et dans le second, les politiques s’attaquent aux maux considérés être les raisons (matérielles et culturelles) de l’insécurité (corruption, désinstitutionalisation, ports d’armes). Dans les deux cas, nous avons affaire à des visions « holistes » et « intégrales » qui encadrent l’action étatique et répudient le « punitivisme » ou la répression ouverte(32).

La politisation est un autre aspect important dans le cas vénézuélien, tant dans l’orientation des politiques que dans le choix des fonctionnaires qui exercent des responsabilités. En Equateur, à l’inverse, on s’appuie sur les aspects techniques et apolitiques de la fonction sécuritaire. Le thème de l’efficacité est très marqué par les objectifs de déconcentration.

Le second moment de notre approche théorique se fonde sur une analyse des institutions. Durant la Révolution Citoyenne, l’Équateur a été le théâtre de transformations, telles que la création du Ministère Coordinateur de la Sécurité, du Secrétariat de la sécurité et la réduction de l’influence de l’armée sur la police(33). Ce virage institutionnel représente un moment dans lequel l’État recouvre ses prérogatives dans l’exécution des politiques publiques. Au Venezuela, après la tenue de différentes commissions dans les six premières années de la Révolution Bolivarienne, les transformations se font autour de la création de la PNB-UNES et du CGP. Elles sont en rapport avec le fonctionnement de la police et dans ce sens, il n’existe pas de refondation judiciaire, bien que le thème de la prison ait été traité à partir de 2011, avec la création du Ministère pour le Service Pénitentiaire. Par ailleurs, la place des militaires dans les décisions de sécurité publique est évidente, ce qui rend plus difficile de distinguer, au niveau institutionnel, une politique proprement civile et « citoyenne ».

Le troisième ancrage analytique concerne les intérêts en jeu, ou comment se forment des « coalitions de causes »(34) autour du thème de la sécurité. Sur ce point précis, tout porte à croire, comme cela a été mentionné plus haut, que le discours international en matière de « politique démocratique de sécurité » (Ayos, 2013) contraste avec l’époque de la doctrine militariste de la sécurité nationale. Dans ce cadre, l’Équateur représente un exemple très influencé par les standards internationaux(35), « stratégies internationales » qui rappellent le poids et l’effectuation de la globalisation dans les politiques locales, en particulier en Amérique latine (Delazay, Gaith 2005). Au Venezuela, ces techniques de sécurité sont beaucoup moins présentes et sont remplacées par un effort de reconceptualisation. La logique du discours cherche à mettre l’accent sur le bien-être social, censé produire des effets vertueux sur la délinquance et la sécurité. Mais il apparaît aussi un certain nombre de désaccords au sein de l’État sur les manières d’opérer : une vision militariste-répressive, une autre droit-de-l’hommiste et préventive. Indirectement, l’intérêt qui semble avoir prévalu dans la décision de création de la police communale est la possibilité de réunir des informations de première main, grâce au rapprochement entre policiers et habitants. Cela n’est pas exempt de points de tension éthiques autour de la résolution des problèmes et la définition du travail policier (délation, prise de risque, rapprochement de type clientélaire(36)). Finalement, les intérêts directement liés au tourisme et au monde des affaires, sont peu présents dans le discours et les pratiques visibles des acteurs au Venezuela, à différence de l’Équateur.

En définitive, il existe une continuité importante dans le cas équatorien entre des mesures adoptées en pleine crise économique et politique (2000-2005) et le virage politique incarné par la Révolution Citoyenne. Le Venezuela, en dépit de schémas d’application qui marquent une rupture avec la période antérieure, ne trouve pas un chemin à la mesure des défis colossaux existants.

 

Conclusions temporaires autour du retour de l’État

En Équateur prévaut la sensation d’un État efficace, avec des investissements importants et un impact significatif. Le processus est marqué par une idéologie modernisatrice et technocratique de récupération des capacités étatiques mais sans grande « organicité » populaire, autrement dit une moindre revendication et identification du populaire dans les discours politiques. L’impact du secteur privé est minime, en revanche, l’influence d’un système transnational de sécurité est notoire. En ce qui concerne, le rapport à la gestion territoriale des intérêts privés et collectifs, Quito s’insère dans un réseau compétitif international qui influence directement les décisions prises en matière de sécurité, tout en corrélant cet aspect à une exigence d’ « intégration » des secteurs marginaux et populaires.

Au Venezuela, il s’agit d’un état très « idéologisé », disposant de peu de capacité d’articulation entre les différentes instances institutionnelles, et reposant sur un système d’organisations populaires, avec le risque encouru d’un débordement et d’une autonomisation des thèmes de sécurité en dehors des espaces institutionnels (comme le rappelle le cas des collectifs). La caractérisation de Caracas en termes de « ville globale », et son insertion dans des stratégies internationales, est peu pertinente, ce qui réduit considérablement les standards de sécurité.

Il est possible d’avancer que ces politiques de sécurité fonctionnent dans le cas de l’Équateur étant donné l’évolution à la baisse des homicides sur la dernière décennie, le niveau d’engagement et de coordination des politiques de sécurité, et finalement, leur orientation participative. Dans le cas vénézuélien, le modèle ne semble pas fonctionner du fait de la non-incidence des politiques sur les taux d’homicide (hormis au niveau local comme le cas d’Antímano l’atteste) et le niveau de conflictualité dans l’agissement de la police (répression, impunité, mortalité policière, corruption). Dans la plupart des cas, il y a une instrumentalisation de la communauté dans le modèle de « résolution des problèmes » : la délation, l’usage de méthodes para-légales (collectifs, brigades) illustrent le niveau d’engagement des habitants et leur vulnérabilité potentielle face, comme cela a été rappelé plus haut, aux risques d’exposition que l’engagement participatif en matière de sécurité peut comporter.

À présent, nous aimerions présenter quelques éléments pour avancer dans notre problématique principale autour de la nature des changements opérés en Équateur et au Venezuela en matière de matrice sécuritaire et de transformations étatiques.

Dans nos deux cas, on peut établir un retour de l’État dans les domaines pénitentiaires et pénaux, et la continuation de méthodes « préventives » à l’échelle locale, tel que cela a été introduit dans les politiques sécuritaires depuis les années 1970 à travers le monde. Cette ambivalence structurelle coïncide avec un manque de vision de la part de régimes qui se distinguent par leur niveau de référence à l’inclusion sociale et aux changements révolutionnaires des structures de pouvoir (étatiques, économiques ou symboliques).

Dans ce contexte, est-il possible de caractériser, comme le fait Marcelo Sain (2009) dans le cas argentin, les politiques mises en place comme le reflet d’un « progressisme fictif » ? Il semblerait que nous soyons face à des politiques qui s’établissent dans la durée, mais ne s’ancrent pas forcément dans des tournants radicaux de transformation. Il s’agit de mesures ou d’effets de recentrement sur l’État, et conjointement de stratégies de légitimation de politiques plus larges.

D’un côté donc, le gouvernement équatorien a poursuivi des politiques mises en place à une autre période politique, avec de bons résultats, en s’appuyant sur une centralisation et une diversification des changements (justice, police, institutions) ; de l’autre, le gouvernement vénézuélien a pris des mesures qui ne s’attaquent que très peu aux causes structurelles et reproductives de la violence (en particulier, le système judiciaire qui en cas de dysfonctionnement peut donner cours à l’émergence de formes de « justice populaire ») et se limitent à dépurer et « humaniser » les forces de police. La solution « citoyenne » dans le cas de la diminution de la violence, et par là même de l’insécurité, repose, en dernière instance, sur le prédicat de l’ « efficacité collective » (Sampson, 2008), parfois naïf s’il n’est pas accompagné par des mesures qui portent la voix des communautés dans des espaces d’où elles sont traditionnellement exclues (tribunaux, commissariats, institutions). Par conséquent, les politiques pratiquées par les gouvernements ne semblent pas être à la hauteur des politiques prêchées, et en définitive, les transformations de nature de l’État se font attendre. On a affaire, en somme, à des transformations plus ou moins pérennes, qui ne remettent pas en cause, ou peu, le fonctionnement étatique si ce n’est dans un effort d’alignement à l’égard de standards internationaux. La « sécurité citoyenne » perd de sa crédibilité comme instrument de refondation des logiques de domination et d’intervention étatique.

Cependant, les politiques publiques œuvrant à une prise en compte des collectifs où elles s’exercent ouvrent, malgré tout, de petites failles par lesquelles se fissure la  police (contrôle des corps et des territoires), laissant ainsi la politique s’y infiltrer, pour reprendre la métaphore rancièrienne de Bruno Lautier (2013 : 185) à propos du « gouvernement moral des pauvres » qui semble avoir éclos en Amérique latine.

 

Notes
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(1) Cette recherche a vu le jour grâce à une bourse du Centre d’Études Latino-Américain Rómulo Gallegos (CELARG), entre 2013 et 2014.

(2) Nous faisons référence à toute une littérature qui souligne le passage à une nouvelle période politique (Castañeda 2006, Cameron, Hershberg 2010, Hébert 2012), en y insérant l’idée que certains virages ont été plus accentués que d’autres du fait du recours à des instruments constitutionnels de refondation politique.

(3) La sécurité citoyenne est un modèle inspiré par les organisations internationales et mis en place en Amérique latine à partir des années 1990 dans des contextes post-autoritaires. Il s’agit d’une approche fondée sur l’intervention et l’interaction d’acteurs divers (sociaux, économiques et publiques) dans le maniement des politiques de sécurité. La conception sécuritaire est alors élargie à tous les niveaux et registres de bien-être (gestion des risques naturels, délinquance, prévention, éducation, santé, etc.). C’est une conception maximaliste et « intégrale » de la sécurité humaine. et de nos jours particulièrement ancrée dans une vision « biosécuritaire » (Gros 2012)

(4) Il s’agit d’une méthode qui établit trois moments dans l’analyse des politiques publiques : l’institution, les intérêts en jeu, et les idées sur lesquelles elles se fondent.

(5) Antímano est un quartier populaire du Sud de Caracas, connu pour ses forts niveaux de violence. C’est un des trois quartiers où se déploient en 2011 le plan pilote de service communal de la Police National.

(6) Secteur situé dans le centre de Quito, qui jouit d’une bonne image étant donné sa nature résidentielle, avec un tissu social relativement dense, et une activité culturelle et alternative de premier plan.

(7) Atucucho se trouve au nord-ouest de Quito. C’est un quartier périphérique, qui présente de fortes carences en infrastructures et en services sociaux, mais jouit d’une organisation importante de ses habitants.

(8) Par la participation de la police métropolitaine de Caracas lors de la tentative de coup d’État du 11 avril 2002, et le soulèvement policier du 30 septembre 2010 à Quito.

(9) 54 pour 100 000 habitants au Venezuela, contre 12 en Équateur en 2012, selon les données de la Banque Mondiale. http://datos.bancomundial.org/indicador/VC.IHR.PSRC.P5.

(10) Le « Tirez d’abord et vérifiez ensuite », de Rómulo Betancourt, président de la République s’adressant aux forces de l’ordre en 1960 ; la Loi de Vagos y maleantes entre 1939 et 1997 qui instaure des règles arbitraires de contrôle et d’incarcération ; le Plan Union en 1981 qui met en place des rafles ciblées.

(11) Expression utilisée en 2000 par le vice-ministre de sécurité citoyenne qui affirma que la police avait exécuté près de 2000 « prédélinquants ».

(12) Il s’agit d’envoyer des centaines d’agents dans un quartier, sous forme de « descentes » qui terminent par de nombreuses arrestations et, dans certains cas, par des affrontements mortels.

(13) Par exemple, dans la déresponsabilisation et justification du vol chez les pauvres par Chávez, ou en privilégiant dans le discours institutionnel la notion de « privés de liberté » pour éviter l’usage de « prisonniers », trop « punitive ».

(14) Le vigilantisme est la récupération du pouvoir de se protéger par des populations réduites (quartiers, résidence, gated-communities, etc.) qu’on oppose généralement à certaines « bonnes » formes de sécurité communautaire encadrée par la police (García Gallegos 2013).

(15) Cette instance est créée dans le but d’homogénéiser les nombreuses polices locales, d’uniformiser leurs normes, de réduire ou éliminer les pratiques illégales, de fomenter un processus de centralisation et coordination, entre autres aspects (Gabaldón 2007).

(16) Organisations territoriales de base lancées par le gouvernement chaviste à partir de 2006 dans tout le pays

(17) Lors d’un entretien, un porte-parole d’un comité de sécurité d’Antímano, policier de son état, nous expliquait que la plupart du temps personne ne souhaitait s’engager du fait de la prise de risque que cela impliquait, se retrouvant en première ligne face aux délinquants.

(18) Il en existe 69 dans tout le pays, ayant engagé la participation de 19000 personnes, au cours des processus de formation et d’élections. Chaque CCCP est composé de 10 personnes et doit « surveiller » et accompagner la police.

(19) Fonctionnaire du CGP, 26/11/2014, Caracas.

(20) Une première définition de la sécurité citoyenne voit le jour dans le cadre de la Révolution bolivarienne, qui en fait une copie sans éclat du concept de sécurité publique mettant l’accent sur la tranquillité et la protection de l’intégrité des biens et des personnes. 

(21) Cet aspect est à prendre en considération, surtout si l’on compare avec d’autres situations, comme celle du Brésil et de l’expérience des Unités de Police Pacificatrice à Rio de Janeiro (Amoroso, Brum, Soares Goncalves 2014).

(22) Deux mille agents à Caracas selon le directeur de la PNB et un phénomène de migration des policiers nationaux vers la PoliSucre, mieux dotées et où les salaires sont plus élevés. (Notes de terrain, 30/10/2014, Antímano)

(23) Dans un sondage réalisé par Gis XXI (2014), la police jouissait d’une très mauvaise image, réunissant 18% de satisfaction (contre 30% pour les conseils communaux).

(24) Nous avons été témoins durant notre enquête à Antímano du cas de six agents arrêtés après le décès d’un homme durant un échange de tirs. Le policier visé a été disculpé mais toute son équipe dut affronter la mesure préventive de détention durant 45 jours, le temps de l’enquête. Par ailleurs, il y a une recrudescence inquiétante des cas de policiers tués, en service ou non.

(25) Cette tendance est inversée à Antímano où l’action de la PNB, et son service communal, a pu diminuer substantiellement les homicides.

(26) Dans les 18 derniers mois nous avons dû nous éloigner, par nécessité, du concept de sécurité citoyenne vers celui de sécurité d’État. Cette patrie s’est vue menacée par des intérêts mesquins et il fallait la sauver. Tout le système de sécurité est transféré à l’État, parce que quand les institutions démocratiques sont menacées, il faut donner priorité au Système de sécurité de l’État. Si l’État est en sécurité, les gens sont en sécurité ». Déclaration du Ministre du Pouvoir Populaire de l’Intérieur et de la Justice, http://www.contrapunto.com/index.php/politica/item/19807-gonzalez-lopez-en-2014-priorizamos-la-seguridad-de-estado-sobre-la-ciudadana, 21/04/2015.

(27) Des policiers agressent et tentent de prendre en otage le Président de la République, exigeant l’abrogation de la Loi Organique sur le Service Public, qui selon eux amputait leurs droits et leurs bénéfices sociaux.

(28) Les Pays-Bas, suivis par la BID et les États-Unis ont été les trois premiers créanciers en matière de sécurité en 2014 pour un total de 512,937.67 dollars. http://app.seteci.gob.ec/mapa/#. Consulté el 27/07/2015.

(29) Au départ, nommées brigades d’autodéfense, elles apparaissent en 1995 au moment du conflit avec le Pérou. En 2011, les Brigades Barriales de Sécurité Citoyenne sont officiellement créées afin d’articuler les plans et les programmes de prévention. Le Directoire des Brigades Barriales est formé grâce aux fonds levés et transférés de l’immatriculation (Vallejo, 2009 : 368).

(30) C’est par exemple le cas de la Déclaration de San Salvador lors de l’Assemblée de l’OEA du 7 juin 2011.

(31) Université Nationale Expérimentale de la Sécurité où sont formés les agents de la PNB.

(32) Cette optique est aujourd’hui dans les deux cas largement oblitérée par les politiques pénales de répression au micro-trafic et à la consommation de stupéfiants dans le cas équatorien, et par les OLP au Venezuela.

(33) Sur ce point, un Lieutenant responsable d’une UPC explique : « nous ne pouvons plus parler d’une période de guerre des États, nous ne pouvons plus parler d’une guerre entre pays, nous essayons plutôt de réaliser une union d’États pour tenter de combattre les maux comme le narcotrafic, la guérilla (…) ce sont des délits qui doivent être… traités comme des délits non comme des forces ennemies ». 6/02/2014, La Floresta.

(34) Afin de dépasser la perspective du choix rationnel dans la construction des politiques publiques, cette approche insiste sur les systèmes de croyance autant que sur les stratégies d’action de groupes se disputant la prise de décision (Sabatier, Jenkins 1999).

(35) Cela s’illustre dans l’utilisation d’outils de « biosécurité » (Gros 2012) tels que la géoréférenciation, les cartes thermiques, l’analyse épidémiologique, par exemple.

(36) Quelques mois après notre activité de terrain à Antímano, nous apprenions que quelques-uns des téléphones portables subventionnés par l’État devant être distribués au sein de la Commune Santa Ana étaient destinés aux policiers, afin de « les remercier pour le travail réalisé ».

 

 

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Pour citer cet article

Mila Ivanovic, « Transformations étatiques au Venezuela et en Équateur à la lumière des politiques de sécurité citoyenne », RITA [en ligne], n°9 : juin 2016, mis en ligne le 4 juillet 2016. Disponible en ligne http://www.revue-rita.com/traitdunion9/transformations-etatiques-au-venezuela-et-en-equateur-a-la-lumiere-des-politiques-de-securite-citoyenne.html